Hypnose et foi?

Compatibilités et oppositions de l’hypnose avec une pratique engagée du christianisme.

Petite ébauche de ce qu’est l’hypnose, son origine, ses outils et son utilité potentielle pour un chrétien engagé

A propos de ce livret

[…] retrouver Giovanni aux avant-postes de la psychothérapie, le voir explorer des techniques nouvelles et originales ne me surprend pas du tout. Ce que je sais de lui, son honnêteté, sa rigueur intellectuelle et surtout la profondeur de sa foi et son désir d’être au service de son Maître m’amènent à penser que sa démarche est juste et qu’il y a bien, dans l’hypnose, un outil pertinent pour le thérapeute chrétien qui souhaite aider son patient.
— Pierre-Yves Zwahlen: Ancien officier de l’Armée du Salut Responsable des éditions de la Ligue pour la lecture de la Bible
Giovanni était l’un des «très rares» pasteurs qui, non seulement ne craignait ni ne médisait les psychiatres, mais entrevoyait déjà, dans la psychothérapie, un moyen d’aider ses ouailles. Combien de fois, peut-être sans s’en rendre compte, il a été un excellent psychothérapeute pour moi.
— Dr méd. Florin Antonie Orha: Spéc. FHH Psychiatrie - psychothérapie
 

Nota Bene

Le texte original du livre est mis à votre disposition ci-dessous pour vous permettre d’en avoir un aperçu. Pour permettre une mise en page agréable, les notes de bas de pages ont été supprimées ici. Celles-ci sont présentes dans le livre numérique ou papier disponible via Amazon.


 
 

Sommaire

  1. A propos de ce livre

  2. Préface

  3. Chapitre 1: Hypnose et foi?

  4. Chapitre 2: Mon parcours

  5. Chapitre 3: Hypnose, survol historique

  6. Chapitre 4: Précautions sémantiques

  7. Chapitre 5: Hypnose et psychothérapie

  8. Chapitre 6: Boîte à outils de l’hypnose

  9. Chapitre 7: Trois questions fréquentes

  10. Chapitre 8: Exemples cliniques

  11. Chapitre 9: Choisir son thérapeute

  12. Remerciements

  13. Bibliographie

 

A propos de ce livret

Ce livret a des intentions très modestes. C’est une ébauche qui a été rédigée en vue d’une conférence à l’attention des praticiens de relation d’aide engagés dans la foi chrétienne qui a eu lieu en novembre 2019. Celui qui veut aller plus loin dans la compréhension de l’hypnose contemporaine trouvera beaucoup de plaisir à la lecture des livres du Dr Bonvin.

Le langage que j’utilise est très basique par choix délibéré. Une forme de loyauté à plusieurs aspects de mes origines. Loyauté envers ma famille sicilienne de pasteurs de moutons. J’accepte bien d’être vu comme un berger «Terrone» qui est devenu pasteur évangélique. Loyauté aussi envers ce principe salutiste d’être proche du peuple. Dans toutes mes prédications et dans mes quelques ébauches d’articles, je me suis toujours appliqué à choisir les mots les plus simples et les plus proches des «Non-initiés». En ce sens, je me suis inspiré de William Booth qui disait que lorsqu’on prêche, si on voit une femme cultivée accompagnée par sa domestique entrer dans la salle, «parle le langage de la domestique, sa maîtresse comprendra aussi»!

A vrai dire, l’idée de rassembler quelques idées au sujet de l’hypnose et la foi est antérieure à cette conférence et m’a été suggérée par mes proches. 

En effet, lors de discussions en famille, en particuliers avec mes fils, nous avions tendance à refaire le monde et à nous interroger sur toutes nos croyances et nos pratiques.

L’idée que la prière agisse sur nous à plusieurs niveaux a frayé en nous un chemin grandissant.

Le premier niveau de l’action de la prière nous semblait évidemment spirituel. La prière étant adressée à Dieu, elle nous dispose à attendre et à recevoir son soutien.

Le deuxième niveau opérant de la prière nous semble plus humain, très terre-à-terre, et se réfère à notre attente et à ce qu’elle déclenche de favorable en nous.

La notion de cette double action de la prière nous a posé une question qui nous a surpris: «Existe-t-il un substrat neuronal qui nous permette d’interagir avec Dieu et la spiritualité?»

Il nous a paru évident que cela devait exister sinon, comment pourrions-nous percevoir la spiritualité?

Naturellement, nous n’avions pas les compétences pour répondre objectivement à cette question. Nous avons quand même poursuivi nos débats en famille en observant concrètement ces aspects «humains» qui nous rendent réceptifs autant aux ressources spirituelles qu’aux autres plus terre-à-terre.

Depuis, je m’émerveille toujours plus à considérer que la prière et la spiritualité transforment tant ma perception du monde que mon cerveau, l’instrument avec lequel je perçois ma vie et ce qui m’entoure.

Pendant près d’une décennie, je me suis intéressé et formé à l’hypnose médicale tout en restant très peu loquace à ce sujet dans les milieux chrétiens. 

Mon attitude était inspirée par mon désir de ne pas brusquer ceux qui ne comprendraient pas. Progressivement et sans grand déballage public, j’ai commencé à en parler plus librement. Entre temps, mon engagement thérapeutique a pris plus de place que mon travail pastoral et je me suis retrouvé à répondre à de nombreux chrétiens qui demandaient des entretiens thérapeutiques incluant l’hypnose. 

Ma dizaine d’année de pratique de l’hypnose est plutôt modeste surtout que, par méconnaissance, dans les milieux évangéliques dans lesquels j’ai évolué, l’hypnose est victime de méfiances.

Malgré cela, c’est par honnêteté intellectuelle et par amour pour Dieu et le prochain que lorsque l’ACC de Suisse Romande m’a demandé d’apporter un enseignement sur l’hypnose dans un milieu évangélique engagé, j’ai décidé de répondre favorablement à leur demande. Je souhaite que ma contribution rende justice tant à la foi qu’à la pratique de l’hypnose médicale.  

 

Préface

Le mot d’un ami et ancien pasteur

La première fois que j’ai rencontré Giovanni Catalanotto, j’étais responsable de la communauté salutiste des Ponts-de-Martel. L’école de formation de l’Armée du Salut m’avait annoncé la visite de trois élèves, deux Suisses-allemands et un Italien, pour le culte dominical. J’avais compris, entre les lignes, que l’élève italien était là en surnuméraire et qu’il ne fallait pas trop lui en demander, il était très jeune et avait des problèmes avec la langue. 

Nous étions en plein hiver et, ce dimanche-là, il y avait un bon mètre de neige au village et il faisait très froid. Je vis arriver les deux élèves suisses alémaniques équipés de pied en cap, lourds manteaux, bottes fourrées, écharpes, bonnets, suivis d’un très jeune homme en uniforme léger de l’Armée du Salut, chaussé de soulier d’été et nu-tête. Les deux élèves d’outre Sarine furent en tout point conformes à ce que j’imaginais: musiciens, efficaces, bien préparés, mais sans surprise, sans cette étincelle qui permet de discerner le véritable serviteur de Dieu à l’écoute de l’Esprit. Le jeune Italien, frigorifié, parlait peu, mais écoutait beaucoup. Au cours de ses rares interventions, je devinais immédiatement une personnalité originale, différente, ouverte aux choses de l’Esprit et pas du tout formatée aux attentes de l’institution.

Au cours des années suivantes, j’eus régulièrement l’occasion de rencontrer Giovanni, en particulier lors de cultes ou de formations qu’il organisait au poste salutiste de Malleray, dont il était alors responsable. Je compris rapidement que ma première intuition était juste et que j’avais bien affaire, non pas à un petit Italien timide fraîchement débarqué de sa Sicile natale, mais à une personnalité exceptionnellement riche et dotée d’une envergure hors du commun. Giovanni n’était pas destiné à suivre le troupeau d’un pas obéissant, il était de ceux qui défrichent de nouvelles terres et ouvrent de nouveaux chemins. Une riche amitié, nourrie d’un profond respect l’un pour l’autre, ne tarda pas à naître et ce fut toujours avec un très grand plaisir que je retrouvais Giovanni.

Plusieurs années plus tard, alors que j’étais responsable régional de l’Armée du Salut pour la région du Jura et Giovanni en charge du Poste de Moutier, on commença à explorer le monde de la psychologie en lien avec la Relation d’aide. C’était une petite révolution à cette époque! Le monde religieux évangélique se méfiait comme de la peste de tout ce qui était lié à la psychiatrie et ne jurait que par l’action directe et unique de l’Esprit saint pour aider les gens. Utiliser d’autres outils s’apparentait, au mieux, à un manque patent de foi. 

Giovanni était très actif dans cette démarche. Il organisait à Moutier des formations de Relation d’aide avec Jacques Poujol notamment. Mais j’avais discerné chez Giovanni davantage qu’un simple intérêt pour le monde de la psychothérapie, il était doué d’une capacité d’écoute hors du commun et d’une empathie naturelle qui le qualifiaient pour ce genre de travail. Après avoir parlé avec lui, je demandai à la direction de l’Armée du Salut de lui permettre de se former spécialement en vue d’initier un travail de psychothérapie chrétienne au sein de l’Armée du Salut. Après quelques hésitations et argumentations, le projet fut accepté et Giovanni débuta sa formation.

Aujourd’hui, Giovanni nous parle d’hypnose et de foi! Je ne suis absolument pas compétent pour juger du bien-fondé de sa démarche. Les seules choses que je connais de l’hypnose proviennent davantage d’émissions de variété que de la lecture d’ouvrages de référence. Mais retrouver Giovanni aux avant-postes de la psychothérapie, le voir explorer des techniques nouvelles et originales ne me surprend pas du tout. Ce que je sais de lui, son honnêteté, sa rigueur intellectuelle et surtout la profondeur de sa foi et son désir d’être au service de son Maître m’amènent à penser que sa démarche est juste et qu’il y a bien, dans l’hypnose, un outil pertinent pour le thérapeute chrétien qui souhaite aider son patient.

Pierre-Yves Zwahlen

Ancien officier de l’Armée du Salut
Responsable des éditions de la Ligue pour la lecture de la Bible

Le mot d’un ami et psychiatre

J’ai connu Giovanni il y a quelques vingt-trois ans. Dieu était présent et à l’œuvre puisque la rencontre était «conduite». Je remercie encore aujourd’hui le Seigneur d’avoir provoqué et permis cela. Giovanni m’est «précieux»! 

Il m’a, d’emblée, été évident que Giovanni était un passionné, intéressé… de Dieu, des humains et de tout ce qui pouvait participer à leur bien-être. Il ne fait jamais les choses à moitié, parce que Giovanni «roule» à bien plus de 150%! Et bien plus étonnant, Giovanni était l’un des «très rares» pasteurs qui, non seulement ne craignait ni ne médisait les psychiatres, mais entrevoyait déjà, dans la psychothérapie, un moyen d’aider ses ouailles. Combien de fois, peut-être sans s’en rendre compte, il a été un excellent psychothérapeute pour moi. 

Merci Giovanni. Tu m’as enrichi dans tous les domaines: spirituel, humain. Pour moi, Giovanni est une voix à écouter et à entendre! Il ne pourrait pas proposer quelque «chose» qu’il n’ait pas vérifié, réfléchi et interrogé même le Seigneur. Je te remercie, cher Giovanni, pour ton amitié qui n’a d’égal que mon amitié en retour.

Et à vous, l’auditoire, je vous souhaite de bien bénéficier de ce que vous allez entendre!

Dr méd. Florin Antonie Orha
Spéc. FHH Psychiatrie - psychothérapie

 

Chapitre 1:
Hypnose et foi? 

Le texte de ce chapitre est très personnel, que le lecteur n’en soit pas surpris.
Son but s’inscrit dans l’intention générale de ce livret qui est de rassurer des chrétiens pratiquants qui s’approchent de l’hypnose. Il ne s’agit pas ici de présenter un débat entre la foi et l’hypnose, mais d’illustrer comment ces deux thèmes se sont télescopés dans ma vie jusqu’à se féconder l’un l’autre.

Foi?

L’athéisme et une conception matérialiste de la vie me fascinaient depuis l’enfance. Mon entourage m’encourageait à adopter un certain mépris de la spiritualité et à croire qu’il était sage de confiner les bons offices de la religion à une forme d’éducation civique et à la morale populaire. Selon cette croyance, une fois affranchi de la peur de Dieu et de son jugement, je n’aurais plus besoin ni de Dieu ni de diable. J’aurais dû, à partir de là, être capable d’identifier et de choisir par moi-même ce qui est bon pour moi et pour mon propre entourage.

Mais voilà, mon expérience de foi à l’âge de 13 ans a provoqué un bouleversement qui m’a fait entrer dans un monde jusqu’alors inconnu. C’est ainsi que la dimension spirituelle est devenue pour moi très fascinante. J’étais passé d’un monde sans Dieu, anges ou démons à un monde spirituel où Dieu était très présent et, avec lui, d’autres êtres spirituels bons comme les anges ou mauvais comme les démons.

La croissance de ma foi d’adolescent a été fortement stimulée par diverses expériences mystiques lors des moments de prières vécus seul ou en groupe. Tout ça, ainsi que l’expérience du parler en langues survenu lors d’un temps de prière au bord de la mer, ont corroboré en moi la conviction que la dimension de l’invisible a au moins autant d’importance que le monde visible.

Doutes!

Malgré l’approfondissement de ma pratique spirituelle, j’allais être confronté régulièrement à des informations discordantes qui allaient semer la pagaille dans mon esprit d’adolescent.

Certains croyants, avec leurs meilleures intentions, me poussaient à mettre en doute tout ce que j’avais expérimenté. Du coup, je me posais des questions: «Es-tu sûr que ton parler en langues n’est pas influencé par les démons?» ou alors: «Et si ton inspiration venait du diable?» Ce genre de questions ont eu pendant un certain temps pour effet de me retenir de toute expérience mystique par peur de me laisser embarquer dans quelque chose de mauvais. J’avais l’impression que le mal et la peur de son influence me harcelaient tous les jours et cela se poursuivait même la nuit, jusque dans mes rêves. Je ne pouvais plus croire que la foi conduisait au bonheur, car elle m’avait déchiré.

Foi et doutes!

Progressivement, je suis arrivé à l’observation que ma foi et mon expérience spirituelle étaient personnelles. D’autres pouvaient vivre leur expérience de foi différemment et cela ne m’offusquait plus. Il me semblait sain et saint de faire confiance à ce que je ressentais. Du coup, j’ai appris à accueillir mes doutes qui sont devenus l’engrais de ma foi.

Donc, pas d’opposition, mais une dialectique! Fini l’opposition «Doutes ou Foi?» et voici une nouvelle ère: «Doutes et Foi». Dès lors, j’ai répondu à ce que j’ai perçu comme un appel: consacrer ma vie à contribuer à soulager une partie de l’humanité souffrante, celle qui est proche de moi et à laquelle je pourrai me consacrer. Pour le faire, j’ai pris le chemin de l’Armée du Salut. J’en suis devenu membre et, de 1982 à 2017, j’y ai exercé un ministère actif dans le domaine pastoral.

Durant cette période, alors même que j’étais engagé dans une paroisse salutiste à plein temps, pour répondre à un nouvel appel, j’ai entrepris une formation de psychologue. J’ai constaté que certaines personnes de mon entourage religieux me poussaient à mettre ma foi en opposition avec l’étude de la psychologie. On m’a même conseillé de lire des ouvrages tels que Psychologie et foi, un mauvais mariage.

En dépit de certaines craintes de mon entourage, j’ai persévéré et j’ai achevé ma formation de psychologue tout en poursuivant mon expérience spirituelle.

C’est dans cet état d’esprit que j’aimerais aborder la question suivante.

Hypnose ou foi – hypnose et foi?

Au premier abord, la question «Hypnose et foi?» pourrait laisser paraître une opposition. 

Preuve en est la réponse donnée dans le cadre de «La question taboue».

Le 13 septembre 2019, seulement 524 soit le 12% des 4’197 participants au sondage avaient répondu «Oui» à la question: «Un chrétien peut-il utiliser l’hypnose?», alors que ceux qui ont répondu «Non» étaient 68% et ceux qui ne savaient pas 20%. Ceci montre bien la peur des milieux chrétiens de se retrouver, par l’hypnose, sous l’emprise de quelqu’un ou d’un esprit mauvais! La peur invite à appliquer le principe de précaution qui dicte une attitude de réserve en suivant l’adage: «Dans le doute, abstiens-toi». 

L’objectif de notre réflexion vise à surmonter le doute afin que le lecteur puisse décider entre un «oui» ou un «non» ferme face à la question posée parce qu’il aura été mieux éclairé sur le sujet.

Commençons par noter que l'hypnose est un phénomène naturel. C’est sur ce prérequis que tous ceux qui l’utilisent se basent, les uns pour divertir et surprendre, comme le ferait un prestidigitateur, et les autres pour soutenir le chemin vers la santé, comme c’est le cas en hypnothérapie. L’hypnose est de toute manière un art qui peut être utilisé dans des cadres différents autant pour faire du spectacle que pour soigner, le tout dépendant du contexte. Lorsque l’objectif est le soin, le phénomène naturel de l’hypnose se décline dans une relation thérapeutique qui devient curative. 

La foi est une conviction profonde qui débouche sur une pratique spirituelle individuelle et communautaire. Dans le contexte chrétien, elle a aussi une vocation de soin puisque, d’après le Christ, la guérison est l’un des signes miraculeux qui accompagnent les chrétiens.

La foi donc, est un processus spirituel qui a aussi vocation de soigner l’homme dans sa santé et dans ses liens aux autres.

Dans le contexte biblique, foi et médecine ne s’opposent pas. Preuve en est que St-Paul désigne son compagnon Luc comme «le médecin bien–aimé». 

Une approche spirituelle avec une visée de soin de l’âme et du corps ne peut pas exclure toute autre pratique du soin du corps! Les points de départ de la foi et de la thérapie ne sont pas les mêmes, mais ils ne s’opposent pas non plus.

Dans ce contexte, il me paraît judicieux de revenir à notre question de départ et de la poser en d'autres termes: «Comment bénéficier de certaines pratiques thérapeutiques et de l’hypnose dans le respect de mes convictions spirituelles?» La réponse par rapport à l’hypnose serait simple puisqu’elle répond à un phénomène naturel «non-spirituel». 

L’hypnose est une thérapie de nature psychique. 

Il est à noter que les dimensions psychique, spirituelle et physique de l’homme sont interconnectées et ne peuvent pas être totalement distinctes pour des raisons évidentes: 

  • Un corps dépourvu d’esprit est celui d’un homme déjà mort.

  • Un esprit tout seul n’est pas un humain.

  • Il n’y a pas de dimension psychique en dehors d’un corps qui l’exprime!

Cela dit, il me paraît évident qu’un soin apporté à l’une de ces trois dimensions interagit sur le bien-être de la personne dans son ensemble.

C’est aussi la force de l’Armée du Salut qui, avec son slogan «Soupe, Savon, Salut» donne l’orientation holistique de son service en faveur «de l’humanité souffrante». C’est un privilège pour moi d’en faire partie!

Ceci est valable pour tous les chrétiens étant donné qu’il y a des paroles de la Bible qui vont clairement dans le sens d’une santé holistique. Je trouve que c’est très réjouissant! 

Que le Dieu de la paix vous consacre lui–même tout entiers ; que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé irréprochable pour l’avènement de notre Seigneur Jésus–Christ!
— 1 Thessaloniciens 5, verset 23.
Bien–aimé, je souhaite que tu prospères à tous égards et que tu sois en bonne santé, tout comme ton âme prospère.
— 3 Jean, verset 2.

L’hypnose soigne à partir du psychisme. 

Elle a un impact indéniable sur le psychisme donc sur l’humeur, sur les phobies, sur la dépression et ainsi de suite. 

Ses répercussions sur le corps sont nombreuses et sont reconnues par le corps médical. Nombre d’études le confirme comme celle menée au CHUV que je cite au chapitre 5. Suites à ces études, son efficacité a été montrée sur les douleurs, sur la cicatrisation de la peau brûlée, sur la réduction des jours d’hospitalisation et son impact sur la diminution de l’usage de médicaments antalgiques.

On ne peut pas dire que l’hypnose agisse directement sur le plan spirituel. Alors qu’il est possible d’affirmer qu’un croyant de nouveau en santé loue Dieu et se consacre à son prochain.

Pour ma part, j’ai pu montrer, sans pour autant rien démontrer, que des croyants qui m’ont consulté ont pratiqué la prière pendant l’hypnose.

La foi chrétienne soigne à partir de l’esprit.

La communauté chrétienne apporte aussi un soin holistique à ses paroissiens. 

Son point de départ est spirituel, c’est le soin pastoral autrefois appelé «cure d’âme».

L’église proclame le message du salut en Christ qui relie l’homme à Dieu. Elle lui permet de découvrir la prière qui est aussi une importante source de santé, voire de guérison et dans d’autres cas, un formidable soutien qui conduit à l’acceptation de la maladie comme partie intégrante de la vie.

Une personne spirituellement en paix et en santé physique est une personne qui a de fortes chances d’avancer aussi de manière équilibrée dans sa dimension psychique.

En conclusion, je peux dire qu’il y a bien des similitudes dans l’action de la foi et de l’hypnose. Les deux apportent un soin. La foi met son focus sur la dimension spirituelle et sur le sens de la vie d’un homme.

L’hypnose met son focus sur la dimension psychique de l’homme.

L’une et l’autre de ces pratiques ont le soin comme moyen, mais le point de départ est différent.

Différent ici ne signifie pas opposé en ceci que les deux peuvent avoir des répercussions holistiques positives.

Les deux approches ne sont pas interchangeables.

Le message de l’église reste l’annonce du salut pour l’homme.

L’apport de l’hypnose s’adresse tant aux gens qui ont eu accès au salut qu’aux autres.

S’il ne peut pas y avoir de contre-indication objective entre foi et hypnose en raison la diversité de leur nature, il n’en demeure pas moins que le questionnement est intimement personnel.
— Giovanni Catalanotto

Il suffit de regarder autour de soi pour constater qu’il y a, entre thérapie médicale et foi, une multitude de réponses, potentiellement légitimes.

En effet, certains croyants, pour respecter leurs propres convictions spirituelles, renoncent à toute sorte de médication, d'autres refusent uniquement l’acharnement thérapeutique, alors que d'autres estiment qu'il faut utiliser tout ce que la science propose pour les soigner.

Il est intéressant de constater qu’en réalité, ce débat ne concerne pas uniquement l’aspect «foi et thérapie», mais qu’il peut aussi porter sur l’aspect «conscience éthique et médecine». 

Personne ne pourrait prétendre que dans ce domaine, il y ait une seule option juste, mais chacun pourrait affirmer qu’il existe «un choix» qui soit ajusté à ses propres convictions.
— Giovanni Catalanotto

Sur un plan biblique, le débat est ancien et il nous renvoie à la question posée par le Christ: «faut-il guérir un malade le jour du sabbat? «. Ceux qui se sont questionnés de la sorte pensaient être dans le juste et croyaient qu’il fallait respecter, dans tous les cas, le jour du repos, même s’il fallait renoncer à soulager une souffrance!

De nos jours, nous ne nous posons plus les mêmes questions en lien avec le jour du repos et il est attendu que nos hôpitaux travaillent tous les jours.

En ce qui nous concerne, nous pourrions nous interroger de la sorte: «Dans quelles conditions la thérapie à laquelle je fais recours est compatible ou en opposition avec ma foi?» 

Nous poserons quelques jalons pour nous aider à naviguer un peu dans ce questionnement très personnel auquel chacun pourra apporter une réponse qui tienne compte de ses propres convictions dans l'esprit de 1 Thessaloniciens 5.18-22. 

En effet, le croyant est invité à se servir avec reconnaissance de ce qui lui fait du bien, à examiner toutes choses, à retenir ce qui est bon et à s'abstenir de toute espèce de mal.

Pour agir dans le respect du principe de précaution et pour dissiper tout doute, il nous faut nous plonger dans le thème de l’hypnose et saisir ce qu’elle est en soi. Alors on pourra soit l’écarter en connaissance de cause ou l’intégrer comme une pratique salutaire et inoffensive.
— Giovanni Catalanotto

D’une certaine manière j’espère que mes propos apportent une contribution, si modeste soit-elle, qui dissipe les craintes et la méfiance des milieux évangéliques face à l’hypnose médicale. 

Car l’hypnose n’est pas un jeu d’illusions mais l’exploration d’un état de conscience particulier, naturel, accessible à tous et dont chacun peut faire usage pour s’apaiser, se soigner ou vivre mieux.
— Betty Mamane
 

Chapitre 2:
Mon parcours

Ce chapitre n’est pas nécessaire pour comprendre l’hypnose et le lecteur peut aisément passer aux chapitres suivants. J’ai fait le choix d’écrire ce texte, car il donne un éclairage qui permet de comprendre comment je suis parvenu à accueillir la relation d’aide d’abord, puis la psychothérapie et finalement aussi l’hypnose comme des processus humains, neutres et bénéfiques qui peuvent apporter «un plus» dans la vie de tous les jours, aussi bien dans le soin psychologique que pratique et spirituel.

De berger à pasteur et thérapeute

Je suis né en Sicile dans une famille de bergers. Dans cette région et à cette époque, berger et petite délinquance allaient souvent de pair. L’environnement dur du lieu et du métier de ma famille m’ont emmené à entendre souvent la phrase: «Si tu es dans la mafia, ce n’est pas grave. Si tu es religieux, tu es le déshonneur de ta famille». Toute une «légende» relie ma famille à une certaine mafia à la Robin des Bois.

C’est dans ce contexte familial que le 29 mai 1974 peu avant mon 13ème anniversaire, j’ai vécu mon expérience de conversion. Le constat que le monde était plein de mensonge et de malveillance me portait à désespérer pour mon avenir. Je n’avais pas envie de poursuivre ma vie à l’idée que j’allais vivre comme les adultes de mon entourage. Je ne voulais leur ressembler, car ça aurait impliqué de fonder une famille, faire semblant d’aimer ma femme tout en étant infidèle et violent, etc. 

J’étais convaincu qu’il ne valait pas la peine de vivre dans ces conditions et j’ai envisagé le suicide. 

C’est à ce moment que l’idée de l’existence d’un Dieu qui pourrait avoir une réponse à mon désarroi a traversé mon esprit. 

S’il y a un Dieu, me suis-je dit, il doit savoir quel sens je dois donner à la vie et à ma vie. L’idée suivante s’est imposée: «S’il existe vraiment et s’il a le pouvoir dont les croyants parlent, si je lui parle, il doit être capable d’entendre et de me répondre.» 

J’ai eu la conviction qu’il fallait que je lui parle. 

Je me souviens lui avoir dit: «Je ne sais pas si tu existes. J’aimerais savoir pourquoi je suis ici et si ça vaut la peine de continuer à vivre.»

A ce moment, j’ai eu la chair de poule et l’impression d’une présence à mes côtés qui me disait: «Ce qui compte, ce n’est pas de savoir si Dieu existe ou pas, mais de prendre acte que certains hommes de ton entourage font des mauvais choix et, au lieu de les assumer, ils accusent Dieu des conséquences.
— Giovanni Catalanotto

J’ai compris que je faisais de même. Je poursuivis ma prière et j’ai demandé à Dieu: «que faut-il que je fasse?». Le dialogue intérieur s’est poursuivi et j’ai entendu: «Va, prends une Bible».

C’était le début de ma foi et ça m’a mis en opposition face à mon père pour lequel je devenais le déshonneur de la famille. Mes plans pour l’avenir ont été modifiés et j’ai décidé de devenir officier de l’Armée du Salut pour apporter un soulagement à des personnes en quête d’aide.

De confusion à créativité

Dans un de mes premiers postes pastoraux, j’ai été confronté à une situation qui m’a laissé dans la confusion.

Dans le village, un couple était en crise. Monsieur souffrait d’addiction à l’alcool et, sous son emprise, il devenait violent. La police avait dû intervenir à plusieurs reprises et moi aussi en tant qu’officier de l’Armée du Salut. Le couple était «Croyant non pratiquant». 

Suite à ces événements, Madame a demandé le secours de Dieu et a vécu une expérience spirituelle qui l’a transformée. Son mari fut si surpris du changement qu’il voyait en son épouse qu’il a aussi décidé de s’en remettre à Dieu. Il était devenu pratiquant comme son épouse et la foi lui a donné la force de renoncer à l’alcool. C’est à ce moment que Madame tombe dans une profonde dépression et décide de quitter son mari. Je n’ai pas compris ce qui se passait. La foi avait aidé, mais par un processus psychologique que je ne comprenais pas, le couple éclatait. C’est alors qui m’est venue la conviction que je devais rajouter à ma formation spirituelle des éléments qui intègrent aussi les aspects psychologiques.

Après cet épisode, j’ai demandé à l’Armée du Salut du soutien pour me former à la relation d’aide pour couples. 

Assez vite, j’ai constaté que l’accès à des écoles de relation d’aide m’était difficile en raison de la distance, du temps et de l’argent qu’il fallait investir. 

J’ai décidé de créer une école de relation d’aide dans la localité où je vivais et d’inviter des formateurs reconnus par l’ACC. Mon objectif était que cette formation m’apporte un bénéfice à moi-même ainsi qu’à d’autres personnes de ma région.

Pasteur et psychothérapeute

Plus tard, j’ai poursuivi ma formation en France dans une école de psychothérapie dont l’approche me semblait compatible avec ma foi en raison de son anthropologie ternaire. 

Initialement, la formation était reconnue en France et permettait l’obtention du titre de psychothérapeute.

Pendant ces études, il est devenu évident pour moi que je devais suivre un parcours plus officiel et obtenir un master en psychologie, seul moyen pour devenir psychothérapeute dont la pratique soit reconnue en Suisse. 

Le parcours a été long et il a été possible grâce au soutien de ma famille et à l’encouragement de certains amis.

La rencontre avec des psychiatres chrétiens et le soutien des chefs de l’Armée du Salut en Suisse ont été décisifs.

Ma formation de psychologue et de psychothérapeute une fois achevée, l’Armée de Salut nationale, qui entre temps a changé plusieurs fois d’organes dirigeants, ne se sentait plus à l’aise avec le projet de créer un centre de psychothérapie et de ce fait, j’ai pris l’initiative de poursuivre sur un plan plus personnel la vision que j’avais auparavant partagée avec les responsables de l’Armée du Salut. 

J’aspire à offrir un suivi psychothérapeutique ouvert à tous les besoins des patients, et la spiritualité en fait aussi partie.
— Giovanni Catalanotto

C’est ainsi que j’ai postulé dans un centre de psychothérapie qui me permettait de réaliser un projet similaire.

Une vision intégrative

Mon parcours est un trajet d’intégration. Partant d’un milieu athée, j’ai trouvé la foi chrétienne que j’ai vécue dans des milieux plutôt fondamentalistes et conservateurs. Malgré cela, j’ai développé une vision quelque peu libérale et une pratique qui intègre les aspects charismatiques sur une modalité très pudique et peu démonstrative.

C’est de la même manière que ma pratique de psychologue a évoluée naturellement sur une modalité intégrative. Preuve en est mon parcours personnel. 

Je suis passé d’une formation dans ma propre école de relation d’aide d’inspiration chrétienne avec des formateurs de l’ACC, dont Jacques Poujol, à une formation universitaire laïque.

Voilà pourquoi ma pratique de la psychothérapie n’est ni puriste ni dogmatique ni syncrétiste. J’aime dire que ma vision est intégrative, parce que c’est dans mon parcours de vie et dans mes convictions d’homme et de croyant que des éléments de différentes approches se fondent et orientent ma formation et mes transformations.
— Giovanni Catalanotto

Le tout s’est produit au travers d’un processus encore en route qui agit en moi par assimilation et accommodation, pour le dire avec Jean Piaget

 

Chapitre 3:
Hypnose, survol historique 

Origines suspectes et magiques

L’hypnose telle qu’elle est connue aujourd’hui est d’origine européenne. 

Généralement, on fait remonter le début de l’histoire de l’hypnose moderne à un médecin allemand, le docteur Franz Anton Mesmer (1743-1819) et à sa théorie sur le magnétisme animal. Mesmer croyait en l’existence d’un fluide magnétique invisible qui rayonnerait dans tout l’univers et qui aurait une influence sur le monde animal. 

L’idée de l’existence d’un fluide ou d’une force invisible était présente depuis bien plus longtemps et aussi sur d’autres continents comme, par exemple, dans les philosophies indiennes (Prâna) et chinoises (Chi). 

Il est à noter aussi que le concept d’énergie invisible curative se retrouve aussi dans le chamanisme qui a inspiré certaines formes de médecine populaire ancestrale. La description de phénomènes de type hypnotique se retrouvent déjà dans l’ancienne Egypte et dans les temples du sommeil de la Grèce antique ainsi que chez les druides romains.

La transe hypnotique est décrite en 1784 par le Marquis Chastenet de Puiségur. Il la définit comme un «Sommeil magnétique».

En 1819, José Custódio de Faria (1756-1819), moine et scientifique portugais des Indes, publie De la cause du sommeil lucide. Cet ecclésiastique et professeur de philosophie sera connu comme magnétiseur. Il décrit dans son livre des méthodes d’inductions et de suggestions qui, par la parole, peuvent provoquer ce qu’il appelle le «Sommeil lucide». 

Le terme d’hypnotisme a été utilisé pour la première fois en 1819 par le baron Etienne Félix d'Henin de Cuvillers. 

C’est James Braid, médecin et chirurgien écossais, qui l’a rendu populaire en 1843.

Le fait que la terminologie pour décrire les phénomènes hypnotiques soit utilisée dans divers contextes tels que le chamanisme, le spiritisme ou les philosophies orientales, fait de l’hypnose une discipline qui peut paraitre douteuse, comme si elle pouvait s’apparenter au charlatanisme ou pire encore, à l’occultisme.

En réalité, tous ces chercheurs qui la pratiquaient observaient bien son fonctionnement et cherchaient, comme en tâtonnant, des hypothèses explicatives à partir des connaissances du moment.
— Giovanni Catalanotto

On ne peut pas leur en vouloir s’ils ne connaissaient pas encore l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRM)! 

Aujourd’hui, plus personne n’est offusqué par le terme magnétique dans le contexte d’une l’IRM, bien que les termes magnétisme, transe et hypnose restent quelques peu suspects dans certains milieux religieux.

Développement scientifique

Comme nous venons de le dire, c’est le Dr Braid qui, en 1843, rendra courant le terme «Hypnotisme» pour faire référence à un processus totalement naturel qu’est le sommeil. Il mettra en évidence les aspects psychologiques de cette pratique pour la faire sortir de l’aura mystique et magique dans laquelle elle était enfermée. 

Pour Braid, l’hypnose n’est pas une force étrange mais bel est bien un état de conscience proche du sommeil.

C’est grâce à lui que ces techniques commencent à être utilisées en chirurgie et que leurs effets anesthésiques et analgésiques sont pris en considération.

Malgré cette percée dans la pratique chirurgicale et les plus de 300 interventions effectuées sous hypnose par des chirurgiens tels que John Elliotson et James Esdaile, la pratique de l’hypnose retombe dans l’oubli.

Il faudra attendre les années 1880 pour sa réhabilitation. 

C’est le neurologue Jean Martin Charcot (1825-1893), directeur de la Sâlepétrière à Paris, qui ouvre la porte à l’hypnose qu’il considère comme un moyen de diagnostic et d’étude pour l’hystérie. 

A Nancy, le professeur de médecine Hyppolite Bernheim est d’un autre avis et considère la suggestibilité provoquée par l’hypnose comme un phénomène capable de soigner. La suggestibilité toucherait non seulement les patients hystériques, mais aussi tous les sujets en bonne santé. 

C’est Bernheim qui a désigné ce processus de soin par le terme «Psychothérapie». Ceci montre bien que l’hypnose est à l’origine de la psychothérapie et, dans ce sens, peut être considérée comme la mère de toutes les formes de psychothérapies qu’on connait aujourd’hui.
— Giovanni Catalanotto

Sigmund Freud (1856-1939) connait Charcot et Bernheim et, dans un premier temps, il pratique aussi l’hypnose. Plus tard, il a émis l’hypothèse que le symptôme traité par l’hypnose pouvait disparaître en faveur d’un symptôme substitutif.

Bien que la pratique de l’hypnose passe à l’arrière-plan, les études sur l’hypnose ont continué à se poursuivre un peu partout, entre autres en URSS (Bechterev, Pavlov), en Suisse (Forel, Dubois), en France (Binet, Janet) et en Allemagne (Moll).

Progressivement, certains de ces travaux débouchent sur de nouvelles théories et de nouvelles pratiques inspirées de l’hypnose.

En Allemagne, le docteur et psychanalyste Johannes Heinrich Schultz (1884-1970) met au point, dès 1932, une technique de relaxation thérapeutique, le Training Autogène, dans le but de favoriser un apaisement face à l’anxiété et au stress.

En France, le professeur Pierre Janet (1859-1947) enseignait la théorie de la dissociation, un thème récurrent en hypnose.

Clark Leonard Hull estime que la suggestion permet d’influencer favorablement les capacités humaines pour réagir mieux face aux stress, à la douleur et aux apprentissages.
— Giovanni Catalanotto

En Amérique, Clark Leonard Hull (1884-1952) lance le premier programme d’envergure dédié à l’hypnose. 

Il est connu surtout pour ses théories comportementales de l’apprentissage. Il considère la capacité d’entrer dans un état hypnotique comme une activité mentale normale. 

L’hypnose connaitra ses meilleures lettres de noblesse avec un élève de Hull, le psychiatre Milton Erikson. 

Il intègre la pratique de l’hypnose à la médecine et à la psychothérapie rendant les cures beaucoup moins longues que ce que permettaient les approches médicales plus traditionnelles. Ceci lui a valu le mérite d’être considéré comme «le père de la Thérapie Brève».

Avec Erickson émerge aussi une nouvelle position éthique du soin et de l’hypnose. 

Ce n’est pas l’hypnotiseur qui sait où et comment conduire le patient, mais c’est ce dernier qui, soutenu par le thérapeute, va réhabiliter ses propres ressources internes issues de ses apprentissages et de ses compétences tant conscientes qu’inconscientes. 

C’est lui-même qui va trouver la solution qu’il avait déjà en lui sans savoir encore qu’il l’avait. 

Dans cette vision, l’inconscient est considéré comme «Une force vitale positive, alliée de l’individu et dépositaire des ressources et des expériences que celui-ci a accumulé durant toute sa vie.
— Giovanni Catalanotto

L’approche d’Erickson impliquait un double travail: celui intrapsychique que nous venons d’évoquer et aussi un travail plus pragmatique qui passait par l’action.

Haley désignera cette démarche «l’approche stratégique». Elle inclue dans ses interventions le recadrage et la prescription de tâches entre les séances. Ce qui était original à cette époque est désormais commun a de nombreuses approches thérapeutiques.

L’hypnose ericksonienne est «stratégique» et globalement «non directive
— Giovanni Catalanotto

L’importance de la relation comme instrument de soin est très forte chez Erickson. En ceci, il était aussi un précurseur, car aujourd’hui, nous savons que l’efficacité d’une thérapie est due moins à ses présupposés théoriques qu’à un lien thérapeutique engagé et pertinent. 

Dans ce sens, il est intéressant de voir ce qu’en dit le Dr Bonvin (2017) lorsqu’il relève les résultats de plusieurs recherches menées sur plus de 2000 études. 

D’après lui, on ne peut pas mettre en doute que le traitement des troubles psychiatriques par la psychothérapie soit efficace. 

Cependant, l’amélioration de la santé serait due essentiellement à des facteurs propres au patient et à la qualité de la relation qui s’instaure avec le thérapeute.

D’après ces études, l’efficacité serait due à:


  • 40% environ à des facteurs personnels relatifs au patient et à son environnement.

  • 30% environ à des facteurs relationnels avec le thérapeute comme le soutien, l’encouragement, l’empathie ou la chaleur humaine des rapports.

  • 15% environ aux attentes que le patient a envers sa thérapie.

  • 15% environ aux facteurs spécifiques de l’orientation psychothérapeutique choisie.

Avènement de l’imagerie cérébrale

Le rêve de percer les secrets du cerveau a stimulé une grande créativité parmi les chercheurs qui les a conduits jusqu’à la neuro-imagerie contemporaine.

La première technique de neuro-imagerie dite «balance de circulation humaine» est déjà assez ancienne et date de la fin des années 1800. 

Elle fut inventée par Angelo Mosso qui eut l’idée de mesurer comment le flux sanguin se distribue dans le cerveau pendant l’exécution d’une tâche intellectuelle ou émotionnelle. 

Plus tard, l’électroencéphalographie, véritable première technique de neuro-imagerie devenue courante, a permis d’observer l’activation électrique des neurones et l’observation de l’activité cérébrale in vivo.

Cette technique fut d’abord utilisée par trépanation crânienne, puis dès 1929, de manière non invasive. 

Progressivement, l’avancée technologique a permis l’invention de nouvelles formes de mesure de l’activité cérébrale qui offrent plus d’informations sur le travail des neurones. 

Les technologies contemporaines peuvent être utilisées pour voir le fonctionnement cérébral pendant l’hypnose et la recherche en ce sens commence à devenir abondante.

Le Figaro, dans un article de 2016 mis à jour online en 2018, explique ce qui se passe dans le cerveau humain sous hypnose. Il résume les résultats d’une étude menée à l’université de Stanford en Californie, dirigée par le professeur David Spiegel qui a permis de mesurer l’activité cérébrale de 57 étudiants soumis au même protocole d’hypnose.

Dans l’article, le Pr Spiegel montre que l’hypnose permet une attention sélective

«On observe une réduction de l'activation des régions cérébrales (cortex cingulaire dorsal antérieur) qui évaluent le contexte, nous aident à décider parmi la multitude de choses qui nous entourent lesquelles il faut ignorer et celles qui méritent notre attention. […] Sous hypnose, on réduit son attention comme sous l'effet d'un téléobjectif. Ce que l'on voit est beaucoup plus détaillé mais on voit moins ce qu'il y a autour. […] L'entrée en état d'hypnose est associée à un deuxième mécanisme, ajoute le Pr David Spiegel: une augmentation des connexions entre la partie du cerveau impliquée dans le contrôle exécutif (le cortex préfrontal dorsolatéral ou DLPFC) et la partie qui règle les fonctions corporelles (insula). L'hypnose aide ainsi les gens à contrôler leurs réactions physiques en réponse à des pensées et des facteurs de stress.»

Ceci favorise une baisse de la rumination mentale tout comme la préoccupation du jugement des autres.

On y découvre aussi les propos d’un autre chercheur, le Pr Antonio Del Casale qui conduit des travaux similaires dans le traitement de la douleur

«La suggestibilité hypnotique est liée à la modification de l'activité du cortex préfrontal dorsolatéral.»


Bien que les recherches actuelles montrent bien certains aspects de l’action de l’hypnose sur le cerveau humain, il faudra encore enrichir nos connaissances et les nombreuses études en cours y contribueront certainement. 

Pour conclure cet aperçu, je vous propose les mots du Pr Del Casale toujours cités par le Figaro:

«Ce travail montre des modifications neurologiques fonctionnelles pendant l'hypnose allant jusqu'au système limbique (réaction émotionnelle, NDLR), remarque le Pr Del Casale, ce qui est cohérent avec plusieurs caractéristiques de l'état hypnotique: altération induite de l'attention, augmentation du contrôle des émotions et des sensations, manque de conscience de soi.»

Observations personnelles sur l’outil hypnose

La brève recension historique qui précède montre bien que les phénomènes de type hypnotique ont été observés depuis des millénaires. 

Nous l’avons dit, l’hypnose met en lumière des phénomènes issus des capacités ordinaires des humains. Le contexte historique et culturel dans lequel l’hypnose s’est développée a influencé son vocabulaire et, aujourd’hui, c’est celui-ci qui lui donne, aux yeux de certains chrétiens, une valence douteuse apte à entretenir des préjugés à son encontre. 

En réalité, l’hypnose en tant qu’outil est neutre et se prête à des usages multiples.
— Giovanni Catalanotto

Utilisée dans le cadre d’un spectacle, l’hypnotiseur s’apparente à un artiste de prestidigitation. Il s’en sert pour divertir.

Dans un contexte dit spirituel, le praticien, soit-il chaman, prêtre, gourou, exorciste, évangéliste, guérisseur ou autre s’en sert selon ses propres croyances. Celles-ci peuvent être inspirées par la bible, par la philosophie ou par d’autres sources.

Ceci me permet d’affirmer que l’hypnose est une activité animale naturelle, neutre, scientifiquement observable qui s’imprègne de l’éthique et des pratiques propres à la personne qui en fait usage.
— Giovanni Catalanotto

Dans le cadre de l’hypnose médicale, le thérapeute s’en sert pour soutenir la relation thérapeutique, l’objectif étant d’accompagner le sujet à retrouver confiance dans la vie et dans les dynamiques auto guérissantes et autorégulatrices du vivant. C’est un processus propre à la vie qui a lieu indépendamment de l’attention que lui porte notre mental conscient. Ceci dit, il devient évident que la personne qui utilise l’hypnose s’en sert à partir de son cadre de référence personnel, tant sur le plan idéologique que spirituel. 

Les sections qui suivent montreront l’usage que j’ai appris à en faire, le style dans lequel j’opère et le sens que je lui attribue. 

 

Chapitre 4:
Précautions sémantiques

Certains termes usuels de l’hypnose ont une signification qu’il est important de considérer sur un mode spécifique à ce contexte. Il n’est pas rare que ces mêmes mots puissent avoir un autre sens dans le contexte des milieux évangéliques. Dans cet ordre d’idées, la connotation d’une terminologie doit être comprise dans sa situation contextuelle, alors qu’une extrapolation interprétative au contexte pourrait conduire à des erreurs de compréhension.

Transe

Voici un mot qui peut porter à confusion étant donné que son usage habituel dans les milieux chrétiens est assimilé aux pratiques occultes.

Dans le vocabulaire de l’hypnose, «La transe est une expérience de modification de nos perceptions qui fait intervenir tant les sensations que l’imagination». 

Elle concerne donc toute perception qui se modifie. Le phénomène est propre aux humains de tous les temps. On observe que ces expériences sont communes à certains animaux dits supérieurs et qu’elles ont pu être identifiées chez certains vertébrés et les mammifères.

Le terme se trouve aussi dans certaines traductions de la Bible.

Dans les trois versions françaises qui utilisent le terme «Transe», il apparaît dix fois dans l’Ancien Testament. 

Il se trouve dans un contexte perçu comme étrange. Il raconte un épisode relatif au roi Saül. Le récit montre que Saül est en transe et qu’il semble perdre conscience de ce qu’il fait au point qu’il va jusqu’à se promener totalement dévêtu.

Durant la période qui va du Moyen-Âge au 19ème siècle, la transe a été considérée comme hérétique en Europe et suspectée d’être la manifestation visible une influence maléfique invisible et diabolique. Ceci a conduit les personnes qui vivaient des effets de transe spontanée ou sous l’effet de produits hallucinatoires à être condamnées à mourir sur le bûcher.

Efforts pour sortir de la suspicion

C’est uniquement vers la fin du 18ème siècle que l’on a commencé à mettre en doute l’origine nécessairement maléfique de la transe. 

Une contribution importante arrive par Mesmer qui part de l’idée que les phénomènes hypnotiques ne sont pas d’origine occulte, mais naturelle. Comme nous l’avons vu, il attribue cela au magnétisme auquel tout le monde animal serait sujet. 

Le Dr James Braid, quant à lui, s’intéressait plus à ce qu’on pouvait en faire qu’à en expliquer l’origine. En tant que chirurgien, il en a fait une pratique médicale pour réduire la perception douloureuse des patients qu’il opérait. L’hypnose faisait ainsi son entrée dans la boîte à outils du chirurgien qui pouvait conduire une anesthésie sans produit ni effets secondaires. 

L’hypnose a suscité l’intérêt des médecins qui souhaitaient étudier autant les phénomènes mentaux que les maladies mentales. 

En ce sens, on peut dire que l’hypnose et le messmérisme se trouvent être au cœur de la naissance de la psychiatrie et du soin de la psyché. 

L’hypnose est d’abord observée, ensuite des médecins tentent de s’en servir pour soigner et, en même temps, ils essayent de définir ce qu’elle est et pourquoi elle marche. Il n’est pas étonnant que ceci ait donné lieu à multitudes d’hypothèses et que ce climat d’incertitude ait rendu la thérapie suspecte aux yeux des croyants qui veulent des certitudes.
— Giovanni Catalanotto

Les controverses entre les diverses écoles (Nancy et la Salpêtrière) en sont un exemple.

En effet, au cours du 19ème siècle, l’école de Nancy conduite par le Dr Bernheim affirmait que le psychisme pouvait être observé par l’hypnose et soulagé par des suggestions de guérison. 

A cette même époque, le professeur Charcot de la Salpêtrière a observé que les personnes hystériques se mettaient en transe. 

Il étudiait ces phénomènes et faisait des démonstrations spectaculaires dans ses cours. Il considérait la transe comme un symptôme de l’hystérie. 

On se retrouve donc à la fin du 19ème avec d’une part l’école de la Salpêtrière qui considère la transe comme un symptôme d’une maladie psychique et, d’autre part, l’école de Nancy qui dit que la transe hypnotique est un état qui permet la guérison.
— Giovanni Catalanotto

Les deux écoles ont entrainé les débats autour de l’hypnose dans une dure bataille qui finalement n’a pas fait du bien à l’hypnose. 

Malgré cela, les études à son sujet se sont poursuivies un peu partout, prenant ici et là des formes différentes. 

L’hypnose a inspiré des thérapeutes qui ont mis en place des techniques spécifiques pour soigner ou pour favoriser la gestion du stress, une baisse de l’anxiété ou l’apprentissage de la relaxation. 

Comme nous avons eu l’occasion de le dire, on doit à Milton Erickson la remise en valeur de l’hypnose. Il l’a épurée de son côté théâtral et lui a rendu ses lettres de noblesse qui ont conduit à ce qu’on l’appelle aujourd’hui l’hypnose médicale ou ericksonienne. Beaucoup de cliniciens estiment que la profondeur de la transe n’est que d’importance secondaire, même si Erickson semble avoir préféré donner ses suggestions post hypnotiques pendant des transes profondes. Dans ce contexte, la transe a perdu tout son aspect mystérieux. D’ailleurs, l’efficacité de la thérapie par l’hypnose est due à des paramètres qui ne tiennent compte ni du style ni de la profondeur ni de la théâtralité de la transe. 

Transe et foi évangélique

Pour résumer, on peut dire que, dans le monde scientifique, depuis le 18ème siècle et à partir de Mesmer, il y a eu plein de tentatives d’expliquer par quel processus naturel avaient lieux les phénomènes observables de l’état hypnotique. Il y avait des observations concordantes et des explications discordantes.

Durant cette même période, plusieurs mouvements de réveils spirituels ont eu lieu dans le monde chrétien. 

Dans ce contexte, on réhabilite l’expérience religieuse personnelle et les émotions qui l’accompagnent. 

Jonathan Edwards (1703-1758), théologien calviniste, prédicateur de réveil en Nouvelle-Angleterre, relate un certain nombre de phénomènes qu’on pourrait qualifier de «transe» qui auraient accompagné ce réveil spirituel et qui auraient touché aussi son épouse.

Entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècles, grâce à William Joseph Seymour (1870-1922) et à Charles Fox Parham (1873-1929), ces mêmes phénomènes deviennent courants et s’élargissent progressivement à d’autres milieux chrétiens évangéliques. 

Ils sont vus comme des manifestations de l’Esprit Saint et s’apparentent à ce qu’on pourrait nommer des «extases» ou «transes spirituelles». 

Ces réactions corporelles attribuées à l’intervention de l’Esprit Saint se manifestent initialement dans les réunions pentecôtistes et on les retrouvera plus tard aussi dans les mouvements dits «charismatiques». Sans mettre en doute l’origine spirituelle du vécu des personnes, il est intéressant de remarquer que c’est le corps qui en manifeste visiblement les réactions. Il produit des changements temporaires de la perception du monde intérieur par des visions ou des sensations.

Au début, si certains milieux chrétiens vont s’opposer à ces manifestations jusqu’à leur attribuer une valence diabolique, force est de constater que les chrétiens issus de ces mouvances ont fait leurs preuves et que, de nos jours, ils jouissent d’un certain consensus dans toutes les dénominations.

Pour sortir de l’impasse

En ce qui me concerne, il me paraît impossible d’affirmer avec certitude que les modifications des perceptions dans le cadre de la «transe» de l’hypnose et celles vécues dans un contexte spirituel soient l’expression d’un seul et même phénomène. Pour en être certains il faudrait procéder à une série d’études comparatives qui s’appuieraient tant sur la théologie que sur la neurologie et éventuellement l’imagerie cérébrale. Inutile de dire que ceci dépasse largement mes compétences et le but même de ce texte.

Pour sortir de l’impasse qui oppose spiritualité évangélique et hypnose, je peux émettre l’hypothèse que dans les deux cas, le corps manifeste des modifications perceptives qui sont en elles-mêmes neutres et réversibles. 

Lors des manifestations charismatiques ou extatiques, dans les deux cas, les sujets savent que ce qu’ils vivent est d’un autre ordre que l’expérience ordinaire et basique du quotidien. Une fois revenus à leur vie de tous les jours, ils gardent la conviction que l’expérience faite est source d’inspiration. Elle permet de croire qu’il est envisageable de chercher d’autres voies pour faire face à leurs besoins, soient-ils spirituels, psychiques, physiques, ou pratiques. 

Les sujets expérimentent qu’il devient possible d’activer à l’intérieur de soi des nouvelles ressources et en même temps d'en réactiver des anciennes qui étaient inutilisées. 

Je fais volontiers le parallèle avec la parole du Christ: «Tout scribe instruit du règne des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes.
— Matthieu 13.52

De même, le processus thérapeutique par l’hypnose, grâce à la réactualisation d’anciennes ressources déjà acquises, élargit le champ des possibles. 

 

Chapitre 5:
Hypnose et psychothérapie

Lors de mes différentes formations continues, j’ai rencontré des professeurs convaincus de l’originalité et de la supériorité de leur approche par rapport à d’autres méthodes de soin. C’est un phénomène assez général et il se retrouve dans de nombreuses écoles. En s’y penchant d’un peu plus près, on peut constater assez aisément qu’une partie de leurs outils a été empruntée à l’hypnose. 

Qu’il s’agisse de Focusing, de l’Approche Centrée sur la Personne, de guérison de l’enfant intérieur, de relaxation, de Training Autogène, d’Intégration du Cycle de Vie, d’explorations dans le cadre de la Thérapie des Schémas de Yung, d’approches psychocorporelles ou même de Somatic Experiencing, il n’est pas compliqué de trouver une matrice commune avec les techniques issues de l’hypnose.

Au moment ou Hyppolite Bernheim a inventé le terme de «Psychothérapie» pour décrire le processus hypnotique, on ne pouvait pas savoir que ce terme allait être adopté pour désigner l’ensemble des pratiques reconnues qui soignent la psyché. A vrai dire, personne ne savait encore que les diverses formes de psychothérapie allaient conserver en elles une partie de leur ADN initial, l’hypnose.
— Giovanni Catalanotto

Aujourd’hui encore, nombreuses formes de thérapie intègrent des dérivés de l’hypnose dans leur boîte à outils. J’aime dire que des techniques dérivées de l’hypnose se retrouvent parfois pleinement et parfois en germe dans des nombreuses formes contemporaines de soin de la psyché.

Hypnose ou hypnoses

Ceci me permet de préciser que par le terme d’hypnose, on désigne en réalité au moins quatre concepts.

  • Un état
    C’est un état particulier de la conscience communément appelé transe dans lequel le Sujet peut présenter une certaine torpeur de l’activité musculaire, une forte activité de l’imagination comme dans le rêve, des mouvements rapides des yeux même sous les paupières baissées, une sorte d’état proche du rêve éveillé.

  • Des techniques
    C’est un ensemble de techniques qui permettent la transe hypnotique. Considérées comme outils, ces techniques se retrouvent intégrées dans la boîte à outils des diverses écoles de psychothérapie.
    Il est important de préciser que quelques techniques particulières peuvent aussi être utilisées hors contexte thérapeutique, comme par exemple pour surprendre et divertir lors de spectacles.

  • Un suivi thérapeutique spécifique
    C’est une thérapie psychologique par laquelle un thérapeute accompagne un Sujet qui cherche à identifier des ressources enfouies dont, bien qu’elles lui appartiennent, il n’a pas conscience. Grâce à un travail commun entre le thérapeute et le Sujet, ce dernier découvre comment accéder à son propre capital de ressources inconscientes et se surprend à être capable de faire face avec plus d’aisance à ses difficultés actuelles.

  • Une postcure ou une cure préventive
    Une autothérapie par laquelle une personne qui a appris à identifier ses propres ressources les actualise et les utilise pour faire face à certaines circonstances compliquées de sa santé ou, plus généralement, de sa vie. Dans ce cas, on utilise le terme d’autohypnose.

Hypnothérapie

Pour évincer tout doute, il convient de préciser que connaître ou même savoir utiliser des techniques hypnotiques ne signifie pas être en mesure de faire de l’hypnothérapie. 

L’hypnothérapie est un savoir-faire appliqué au bien-être ou, encore plus précisément, au mieux-être d’un Sujet.
— Giovanni Catalanotto

Il s’agit d’un savoir qui s’exerce «comme un art» parce que, contrairement aux apparences, il ne fonctionne pas sur la base de procédures standardisées. 

L’hypnothérapie est l’art d’une rencontre dans laquelle un thérapeute accompagne un Sujet à la découverte et à la mise en service de ses propres ressources intérieures pour venir à bout de son besoin actuel. 

«Accompagner» signifie que le trajet n’est pas celui du thérapeute, mais bien celui du Sujet! 

Ceci met en évidence que le Sujet reste toujours maître de son expérience et qu’il ne se livre pas à un autre pour que celui-ci exécute sur lui un travail magique. 

Cette attente est présente dans la population et c’est généralement la raison pour laquelle, dans mon expérience, une bonne partie de la première séance d’hypnothérapie est consacrée à aider le Sujet à enlever ses attentes magiques concernant l’hypnose. 

La psychothérapie par l’hypnose l’accompagnera dans un processus qui vise à lui permettre de récupérer son potentiel de Partenaire de l’expérience de soin qu’il va vivre. 

La métaphore de la blessure et de la cicatrisation me semble apte à illustrer l’interaction des compétences conscientes et inconscientes dans le contexte de l’hypnose.

Suite à un petit accident, un enfant souffre d’une blessure qui saigne. Il va vers Maman qui le prend dans ses bras. Elle lui dit des paroles affectueuses, désinfecte sa plaie et lui met un pansement. Tout en le soignant, la maman lui dit «Tu as mal mon chéri! J’en suis désolée! Tu verras, ça va guérir». L’enfant repart confiant.
— Giovanni Catalanotto

Situation banale en apparence, pourtant, ce que cette mère a fait est très significatif. Elle a transmis à son enfant, sans nécessairement le dire:


  • Dans ton corps, mon enfant, il y a un mécanisme formidable qui, en cas de blessure, resserre le vaisseau sanguin, précipite des plaquettes à l’endroit blessé et leur donne l’ordre de créer un barrage. En parallèle, les 13 facteurs de coagulations se mettent au travail et une croute va se former. Une protéine, la fibrine, va lier le tout et empêcher le sang de sortir et aux bactéries d’entrer. Lorsque le saignement est stoppé, les vaisseaux sanguins qui conduisent à la blessure se dilatent à nouveau pour faire passer le plus possible de globules blancs. D’ici quelques heures, ça deviendra rouge, le processus d’inflammation va se déclencher pour tuer les éventuels agents pathogènes qui pourraient s’être introduits à cet endroit. Les globules blancs vont phagocyter les bactéries et les tissus endommagés. Petit à petit, les fibroblastes vont s’agglutiner vers la blessure et y déposer du collagène, et l’épiderme se multipliera de sorte que la peau redevienne presque comme avant.

  • Cette capacité de t’autoréparer est en toi et fonctionne toute seule. Du coup, tu n’as plus besoin de t’inquiéter ni de vérifier en arrachant la croûte si les cellules se referment!

  • Tu peux déposer ton anxiété et laisser ton organisme te soigner.

  • Rappelle-toi quand tu t’es blessé l’autre jour. Regardons comment tu as guéri.

  • Tu peux faire confiance à la capacité d’auto-guérison de ton corps.


Cette métaphore illustre bien que la confiance de la mère dans le processus d’auto-guérison du corps l’aide à prendre un raccourci qui soutient son enfant. Elle montre aussi que la puissance de son intervention réside dans sa certitude que le phénomène naturel de l’auto-guérison est à l’œuvre.

C’est aussi par cette confiance que l’hypnose insuffle dans les ressources d’auto aide de l’inconscient du Sujet qu’elle devient thérapeutique d’abord, auto-thérapeutique ensuite.

L’influence de la relation

Un psychothérapeute qui utilise l’hypnose «accompagne» un Sujet qui est en souffrance. Il est donc normal qu’il exerce une certaine influence sur lui. Il serait tout-à-fait dérisoire de croire qu’il agit comme s’il n’existe pas ou de s’imaginer qu’il ne soit influent en aucun cas. A partir du moment où deux personnes entrent en relation, elles exercent une influence réciproque. La manière dont cela se passe est relative aux partenaires de la rencontre. Il n’est donc pas possible de tout comprendre de l’hypnose à partir de la manière de procéder spécifique d’un thérapeute.

Si notre concept de ce qu’est l’hypnose devait, par exemple, être tiré de ce que Jay Haley dit de Milton Erickson, nous n’apprendrions pas l’hypnose mais une manière de la pratiquer, celle d’Erickson. Il était vraiment un grand thérapeute et il savait enrichir sa pratique par des stratégies paradoxales et de tout genre. Si Erickson était notre seule source d’inspiration, nous apprendrions à prescrire le symptôme comme il aimait faire ou à utiliser les résistances du Sujet, à ne pas donner d’explications sur le processus en cours, à ne pas offrir d’interprétations et ainsi de suite. Oui, Milton Erickson était un personnage très particulier et avait son style à lui. Certaines de ses actions thérapeutiques utilisaient des stratégies qui, aujourd’hui, pourraient nous paraître provocatrices et manipulatrices, dans le mauvais sens du terme. 

Quand on découvre ses expériences, on observe pourtant qu’il poursuivait une stratégie dictée par la demande du Sujet. Il est probable que, dans certains milieux chrétiens, certains de ses procédés pourraient être vus d’un mauvais œil, j’en conviens. 

En réalité, nous devons garder en vue que toute relation thérapeutique est le résultat d’un ensemble de facteurs théoriques et de soins qui incluent les personnalités des Sujets concernés! 

Il n’est pas possible de juger l’hypnose à partir de la pratique d’une personne, soit-elle illustre ou anonyme! 

La manière de pratiquer une psychothérapie est influencée par la personnalité du thérapeute qui l’exerce, par ses croyances et par son éthique.

Nous reviendrons sur ce point quand nous parlerons de la manière de choisir son hypnothérapeute. 

Ce qui opère en hypnothérapie est la relation qu’un Sujet apprend à entretenir avec les compétences auto-guérissantes de son propre inconscient. Cet apprentissage est initié et stimulé dans le cadre d’une relation entre un Sujet actif et motivé et un thérapeute qui est à son écoute et l’accompagne.
— Giovanni Catalanotto

L’inconscient, d’un lieu de conflit à un lieu ressource 

L’hypnose nous offre une nouvelle vision de l’inconscient.

Dans la première topique de Freud, l’appareil psychique est constitué du conscient, du préconscient et de l’inconscient. Dans sa deuxième topique, il est présenté en trois instances: le ça, le moi et le surmoi. Dans cette nouvelle représentation, la notion d’inconscient perdure. Il se manifeste par les conflits de l’appareil psychique dus aux pulsions refoulées du ça et aux tensions entre le moi et le surmoi. Le matériel conflictuel de l’inconscient se manifesterait dans les symptômes de certaines de nos maladies ou dans nos rêves, dans des lapsus ou dans des actes manqués. Pour simplifier, nous pouvons dire qu’avec Freud nous accédons à une vision négative de l’inconscient dont il convient de se protéger. 

Pour Karl Gustav Jung, l’inconscient a une valence positive et il serait en mesure de nous aider à découvrir des solutions. Sa manifestation, comme par exemple au travers du rêve, aurait comme objectif de nous orienter dans le choix des solutions qui nous correspondent le plus.

Dans le cadre de l’hypnose, comme pour Jung, l’inconscient est notre meilleur ami, un allié formidable qui est dépositaire de nos acquis et de nos meilleures ressources. Il est une source d’inspiration qui s’active plus aisément lorsque nos activités rationnelles habituelles se mettent un peu de côté.
— Giovanni Catalanotto

Par définition et pour simplifier, nous pouvons dire que ce qui est conscient concerne les activités globalement attribuées à l’hémisphère dominant, généralement le gauche. Ceci concerne ce que nous pouvons facilement identifier, expliquer, analyser et interpréter. Il s’agit des ressources conscientes que nous utilisons sans cesse. 

D’autre part, ce qui est inconscient concerne les activités habituellement attribuées à l’hémisphère droit et traite les opérations à valence plus affective et analogique. Ce sont aussi les fruits de nombreux apprentissages qui restent disponibles sans que nous devions y réfléchir. Il s’agit donc d’un réservoir à haut potentiel plein de ressources, d’intuitions et d’inspirations.

 J’aime bien dire aux chrétiens qui viennent en consultation que «cet inconscient-là est le meilleur allié du St-Esprit dans la vie du chrétien».

Un Sujet actif

L’objectif de l’hypnothérapeute est donc d’aider un Sujet à rassembler les conditions nécessaires pour laisser émerger l’action auto-réparatrice ou auto-guérissante de ses ressources personnelles qui se trouvent enfouies dans la partie inconsciente de sa mémoire.

Ceci dit, il apparaît clairement que l’hypnothérapeute sollicite l’action du Sujet sur lui-même, contredisant la croyance diffuse que le thérapeute prendrait pouvoir sur le Sujet et le rendrait «passif» ou «actif comme une marionnette».

Une personne en souffrance est, par définition, active et elle s’adresse à un thérapeute pour trouver le moyen de faire disparaître ou diminuer sa souffrance. 

Le thérapeute sait ne pas savoir ce qui va aider le Sujet souffrant, mais il sait que le Sujet a, en lui, des ressources qu’il ignore et qui sont capables de le conduire pas à pas vers une solution à sa souffrance.
— Giovanni Catalanotto

Le thérapeute a besoin de travailler avec un Sujet actif. 

Il est à noter qu’actif n’implique pas uniquement l’activité consciente et logique. En effet, pendant que nous réfléchissons consciemment à la solution de problèmes logiques dont nous sommes parfaitement conscients, nos poumons continuent de fonctionner sans que nous y prêtions attention et il en est de même pour le système circulatoire, le système endocrinien, le système immunitaire! Notre organisme est actif à plusieurs niveaux et tous sont importants!

Le thérapeute cherche donc à activer l’ensemble des ressources d’un Sujet qui s’imagine avoir déjà épuisé toutes les compétences qu’il possède. Non, il n’a pas attendu de consulter pour chercher une issue à ses difficultés. Le plus souvent, il arrive en consultation avec une hypothèse sur l’origine de ses problèmes et même avec toute une liste de solutions qu’il a tentées, en vain, de mettre en place. Dans beaucoup de situations, il s’est épuisé à chercher les solutions proposées par son raisonnement. Il a déjà bien mis à contribution son hémisphère dominant.

L’hypnothérapeute, qui est bien conscient que le Sujet ne sait pas où se trouve la réponse, sait qu’elle est disponible dans un autre registre, celui de l’inconscient. En effet, ce dernier dispose d’intuitions, de capacités imaginatives et créatives qui détiennent des réponses naturelles de soutien et parfois d’auto-guérison!

Pour le dire simplement, le seul pouvoir exercé par l’hypnose consiste à accompagner un Sujet dans un «apprentissage de confiance intérieure» apte à libérer ses propres ressources dormant dans l’hémisphère non-dominant.
— Giovanni Catalanotto

Un hypnotiseur qui souhaite faire du spectacle a d’autres objectifs: il veut divertir et, dans ce contexte, il peut utiliser des formules directives du genre du fameux: «dormez, je le veux». Plus elles sont directives et surprenantes, plus ses injonctions seront hilarantes! Il veut que le public ait l’impression qu’il exerce un pouvoir particulier sur les gens pour créer la surprise et l’amusement, exactement comme le ferait un prestidigitateur avec ses jeux de cartes. Par contre, il faut bien qu’il choisisse les personnes pour son spectacle! Celui qui veut jouer avec l’artiste répondra facilement à ses injonctions. Par contre, si le Sujet ne veut pas participer au succès de la mise en scène, la démonstration est vouée à l’échec! 

L’artiste veut montrer que, par son art, le participant devient spectateur et que l’artiste est acteur.

En thérapie, c’est diamétralement différent! Le thérapeute n’a pas une assemblée à divertir et il n’a besoin d’impressionner personne, car un Sujet n’arrête pas de souffrir s’il est impressionné! Un Sujet a besoin de ressources alternatives pour sortir de l’impasse qui le fait souffrir. 

Parfois, le Sujet a besoin d’un certain «effet de surprise» qui puisse l’aider à prendre conscience que son inconscient dispose de capacités qui vont au-delà de ce dont il a conscience.
— Giovanni Catalanotto

De mon point de vue, les expérimentations de lévitation de la main ou de catalepsie sont des outils qui permettent cette agréable surprise. Dans le cas d’une lévitation, le Sujet observe sa main qui se lève, il constate les mouvements saccadés typiques de l’hypnose, mais il sait bien que, s’il le veut, il peut tout arrêter. Souvent, il est surpris, curieux et il a envie de voir comment sa main va se comporter. 

De la même manière, il apprend à faire confiance à son inconscient. Il découvre qu’il est possible d’accueillir et de valider ses capacités inconscientes. Il s’ouvre à de nouvelles solutions qui permettent de surmonter les problèmes qui ont tellement occupé ses raisonnements conscients et l’ont conduit à l’épuisement ou au désespoir.

Il en va de même pour la catalepsie. Quelle surprise quand un Sujet constate qu’une position ordinairement désagréable peut être «oubliée» et continue son expérience sans en être perturbé! 

Ces expériences sont fréquemment utilisées en thérapie et leur valeur est métaphorique. Dans ce sens, elles parlent bien à l’hémisphère non-dominant. Celui-ci fait des associations à sa manière et relance le Sujet dans une nouvelle prise de conscience qui le conduira à expérimenter qu’il est acteur de sa thérapie, qu’il réveille et active les ressources inconscientes qui dormaient en lui.

Indications de l’hypnose

Une lecture simpliste de tout ce que nous venons de dire pourrait nous faire croire que l’hypnose serait «La panacée» et l’inconscient «le réservoir» de toutes les solutions. Même si les choses sont plus complexes, il me parait justifié d’affirmer que l’hypnose soulage la souffrance et, au besoin, elle peut être intégrée à d’autres thérapies et en amplifier le succès.

Les situations de santé pour lesquelles l’hypnose peut être indiquée sont vraiment multiples.

Une étude de 2006 menée au CHUV auprès de grands brûlés a permis de mettre en évidence que les patients qui ont bénéficié de l’hypnose ont mieux supporté les soins sans anesthésie et les ont considérés comme confortables, malgré la diminution de médicaments antalgiques. La cicatrisation s’effectuait plus rapidement et le séjour hospitalier était raccourci. 

L’hypnose démontre donc son efficacité thérapeutique et son impact favorable sur la diminution des coûts de la santé. 

L’étude a été menée pendant un an sur un groupe de 46 grands brûlés adultes. La moitié d’entre eux a reçu les soins conventionnels et l’autre moitié a bénéficié de l’hypnose. Les groupes étaient comparables tant au niveau de l’âge, du sexe que de la surface et la gravité de la brûlure.

Cette étude vient confirmer d’autres recherches dont celle de Boston publiée en l’an 2000. 

Si l’hypnose a fait ses preuves dans le traitement de la douleur, elle est aussi indiquée pour préparer les patients à la chirurgie, dans les traitements dentaires et dans l’accompagnement des personnes souffrant d’un cancer. 

Elle démontre aussi son efficacité dans le développement personnel pour accroître l’estime et la confiance en soi, dans la gestion de la timidité, dans la gestion de l’anxiété et des phobies, pour faire face aux troubles du sommeil, pour les situations de stress en général et pour les troubles de stress post-traumatique en particulier.

Son indication est confirmée dans le traitement du tabagisme, des troubles alimentaires et dans la gestion de l’instabilité émotionnelle.

Elle est utilisée aussi en gynécologie et pour les dysfonctionnements sexuels.

Son impact sur la concentration, sur les performances sportives et intellectuelles en ont fait un outil de prédilection des experts en coaching.

Comme les enfants réagissent bien à l’hypnose, elle est souvent utilisée avec succès en pédiatrie.

Un usage important concerne aussi les distorsions temporelles, la progression et la régression en âge. On ne pourrait pas chercher dans la régression en âge la preuve historique d’événements précis. Il s’agit plutôt d’explorations de traces mnésiques des empreintes émotionnelles vécues par un Sujet et elles sont à considérer avec circonspection quant à leur valeur historique.

Si on se laisse porter par un zèle excessif, on pourrait s’imaginer que, par l’hypnose, on pourrait tout soigner.

Dans les formations à l’hypnose, on entend souvent les enseignants dire qu’il est déconseillé à un hypnothérapeute avec peu d’expérience de s’aventurer dans l’accompagnement de personnes souffrant de psychose. En réalité, les thérapeutes plus expérimentés témoignent de bons résultats même avec cette catégorie de Sujets.

En principe, je dirais qu’un psychothérapeute ou un expert en relation d’aide qui a une certaine éthique ne s’aventurera pas à soigner par l’hypnose des thématiques pour lesquelles son parcours thérapeutique de base ne l’y autorise pas.
— Giovanni Catalanotto
 

Chapitre 6:
Boîte à outils de l’hypnose

Dans ce chapitre, nous aborderons plus précisément les outils les plus courants de l’hypnose. Je relaterai aussi quelques études de cas tirés de ma pratique personnelle. Comme je n’ai pas encore pris l’habitude de filmer mes séances, je résumerai ces situations à partir de mes notes personnelles, avec l’accord des Sujets, tout en tenant compte de modifier des aspects autobiographiques des personnes concernées pour préserver leur sphère privée.

Approche intégrative et transversale

Dans «Soigner par l’hypnose», le Dr Gérard Salem présente une boîte à outils composée de 36 éléments qui permettent aux thérapeutes et aux demandeurs d’aide d’avancer pratiquement dans leur projet de trouver un «mieux-être». Vous comprendrez qu’il ne suffit pas d’en faire la liste pour les maîtriser. La plupart de ces outils s’acquièrent tant par l’étude que par une pratique supervisée. 

Vous constaterez que plusieurs de ces instruments se sont si bien répandus qu’ils sont aussi utilisés dans d’autres approches thérapeutiques. Ils se retrouvent dans les enseignements de plusieurs écoles. Pour ceux qui veulent aller plus loin, je leur conseille la lecture des 60 pages que Gérard Salem consacre à leur description.

Dans les paragraphes qui suivent, je vais décrire à quoi ressemble une prise en charge thérapeutique par l’hypnose afin que le lecteur s’en fasse une idée plus concrète.

1. Identifier les attentes envers l’hypnose

Dans ma pratique, lorsqu’une personne demande un suivi thérapeutique par l’hypnose, je prends assez de temps pour comprendre ce qu’il attend précisément. Très souvent, la personne s’imagine retrouver par l’hypnose des informations de son histoire dont elle ne garde pas de trace consciente et espère que cela explique sa souffrance actuelle. 

D’autres fois, elle espère que, par une intervention miraculeuse de l’hypnotiseur, une habitude acquise depuis longtemps soit stoppée sans aucun engagement ni difficulté de sa part. 

Parfois, elle souhaite s’endormir en séance et expérimenter que, pendant ce temps, le thérapeute arrive à extraire une pensée, une phobie ou une sensation douloureuse récurrente sans qu’elle ne doive fournir aucun effort.

Il arrive parfois que certaines personnes espèrent retrouver les traces d’anciennes vies issues d’une incarnation précédente.

Mon premier travail alors consiste à recadrer l’hypnose dans un contexte de soins. 

Je montre la différence entre l’hypnose de foire qui sert à divertir et à provoquer des illusions et l’hypnose médicale. Dans la majorité des cas, les personnes ont déjà été confrontées à des illusions d’optique et comprennent bien que l’illusion n’est pas la réalité. Elles sont assez vite d’accord qu’elles ont besoin de soutien concret et pas de tours de passe-passe illusoires.

Une fois compris que l’hypnose ne donne pas accès à un passé historique, mais à la mémoire émotionnelle, la personne peut comprendre la volatilité de la mémoire, sa modification avec le temps et au gré de ses révocations. 

En effet, dans les processus de régression en âge ou de projection vers le futur, l’hypnose ne permet pas l’accès à la vérité historique, mais à des contenus émotionnels expérimentés, appris, imaginés ou racontés. Souvent, ce que nous nous sommes dit à nous-mêmes laisse une trace plus importante que les faits historiques.

Parfois, les personnes ont des craintes qu’elles avouent du bout des lèvres: «Suis-je hypnotisable? Ma transe serra-t-elle profonde? Si je perds conscience, que va faire le thérapeute à mon insu? Vais-je dire sous hypnose des choses que je regretterai d’avoir révélées? Vais-je découvrir des choses difficiles sur moi ou sur mon entourage?»

Il est fondamental d’encourager le Sujet à poser toutes ses questions. 

Les questions en lien avec sa prédisposition à se placer sous hypnose a une certaine histoire. Il existe bien des tests communément admis pour vérifier ou pour rassurer la personne à ce sujet, mais aujourd’hui, dans le cadre de l’hypnose médicale, ils sont plutôt obsolètes. 

J’en citerai un en particulier, celui du balancement en avant ou en arrière. On demande à la personne de se tenir debout, les yeux fermés pendant que le thérapeute se place à l’arrière de la personne. Il l’informe qu’il va placer ses mains sur le dos de la personne. Puis, il lui demande de les sentir et, enfin, il l’informe qu’il va les retirer et que, pendant ce temps, il va se sentir irrésistiblement attiré vers l’arrière. Certaines personnes à ce stade se mettent à balancer et peuvent même tomber en arrière. Ceci rappelle à s’y méprendre ce qui se passe dans certaines séances religieuses où, à la suite d’imposition des mains, les personnes se laissent aller jusqu’à tomber au sol.

Loin de moi l’idée de juger l’expérience de ces croyants! Tout au plus ceci nous montre que c’est un phénomène naturel et sans danger!

Pour ma part, je ne pratique pas de tests d’hypnotisabilité puisque je ne suis pas intéressé aux phénomènes spectaculaires qui peuvent se passer pendant l’hypnose. J’en informe volontiers mes Sujets et je leur en donne mes raisons. 

Tout ceci permet de dire que:

L’hypnose est un phénomène naturel accessible à tous. Tous sont hypnotisables s’ils le souhaitent.

Selon plusieurs experts et en particulier dans l’hypnose dite humaniste, la profondeur de la transe n’a pas de rapport avec l’efficacité de la thérapie.

Le Sujet reste maître de son expérience et il n’est pas possible d’agir sur lui sans son accord ou si ce qui est proposé ne correspond pas à son éthique.

Le Sujet garde à tout moment la capacité de sortir de l’hypnose et de dire ce qui lui convient et ce qui ne va pas pour lui.

Le plus important dans ce travail consiste à activer ses propres ressources conscientes et inconscientes et non à rechercher ce qui fait ou a fait souffrir. L’hypnose n’est pas un outil pour détectives, donc elle n’est pas utilisée pour dévoiler le passé. Il s’agit d’un moyen pour accompagner une personne vers des issues favorables aptes à soulager sa souffrance.

Une fois que les attentes ont été démystifiées, il devient possible de se focaliser sur les douleurs, les émotions, les besoins du Sujet en vue d’identifier les ressources qui peuvent l’aider. 

Parfois, il faut investir un certain temps à la clarification de sa demande. Quelle est sa souffrance? Quels sont ses objectifs? Quels sont les premiers indices, voire même les plus petits, qui pourraient lui montrer qu’il est en train d’aller dans la direction d’un apaisement de sa douleur? C’est alors que la demande du Sujet émerge avec plus de de force et que la thérapie commence.

2. Le Sujet avant la technique

La thérapie par l’hypnose ne peut pas se baser sur des procédures. Elle est orientée par le Sujet. L’étude des diverses procédures mises en place et présentées dans la littérature peuvent être un support pour le thérapeute, mais en aucun cas, elles ne peuvent se substituer à l’attention portée au Sujet. L’apprentissage de procédures utilisées par des thérapeutes expérimentés reste utile et n’est pas pour autant à jeter en bloc, mais doit passer au second plan. Le Sujet d’abord!

Soigner signifie s’intéresser à la personne. Bien sûr, c’est sa souffrance qui l’a conduite à consulter, mais la personne est plus que la somme de ses difficultés. S’intéresser à son histoire, à ses points forts, à ses valeurs, à ses liens d’attachements est indispensable. En réalité, le thérapeute a besoin de ces informations pour savoir quelle posture adopter en lien avec ce Sujet particulier. Sa distance, sa proximité, son langage doivent se calquer sur les besoins de la personne. 

Ces indications, le thérapeute les identifie déjà à la première rencontre et il continue de les affiner au fur et à mesure que la thérapie avance.

Il serait absolument inadéquat de vouloir montrer par des citations, un langage élaboré et une technique que l’on maîtrise le sujet de la consultation. Il est beaucoup plus adapté que le langage du thérapeute soit inspiré par celui du Sujet et ses métaphores. Il serait absolument irrespectueux de demander au Sujet de s’adapter à la méthode ou au langage du thérapeute.

Il est indispensable que le thérapeute montre au Sujet que c’est lui-même qui connaît son histoire, les choses qui l’aident et celles qui lui font du bien comme celles qui lui font mal. 

Cette posture de supériorité de l’expérience personnelle du vécu du Sujet par rapport au thérapeute place ce dernier dans une position plus éthique. 

Cette attitude thérapeutique place un important instrument de pouvoir entre les mains du Sujet! Quand il est arrivé, il pensait être dépossédé de sa capacité à s’aider lui-même, mais le travail du thérapeute l’encourage à reprendre le pouvoir sur sa propre vie! Le Sujet sera poussé à garder active toute sa curiosité et pourra se mettre à l’écoute de ces choses «qu’il sait sans savoir qu’il les connaît». Il est invité, en d’autres mots, à s’ouvrir à ses propres ressources inconscientes qu’il ne savait pas encore posséder. 

Ce que nous venons de dire montre que les premiers efforts du thérapeute l’amènent à corriger les attentes magiques de la population au sujet de l’hypnose et à remettre le pouvoir entre les mains de la personne elle-même.

Le Sujet comprend qu’il ne s’agira donc pas de s’abandonner entre les mains d’un thérapeute afin que ce dernier opère, par on ne sait pas quelle magie, le miracle de la guérison.

3. Setting

Dans une thérapie par l’hypnose, il est important que le Sujet et le thérapeute soient à l’aise. La séance peut donc se dérouler de différentes manières et la créativité du thérapeute a comme limite le confort et le bien-être du Sujet. Le plus souvent, le thérapeute et le Sujet sont assis l’un en face de l’autre ou légèrement de biais, mais il est possible pour le Sujet de se lever, de marcher ou, s’il y a lieu, de s’allonger sur un divan. Pour le thérapeute, il est important d’être dans une position qui lui permette de bien observer le Sujet afin d’identifier ses mouvements volontaires ou inconscients, d’observer sa respiration et de maintenir un cadre qui soit adapté le plus possible aux besoins du Sujet.

L’observation du Sujet est très importante dans l’hypnose car le thérapeute déploie toute son intentionnalité à accueillir la manière par laquelle un Sujet manifeste, comprend et décrit sa propre souffrance. Il s’agit de comprendre la problématique comme si on pouvait l’observer avec les yeux du Sujet et non faire adhérer le Sujet à la manière de comprendre la situation selon la vision ou les croyances du thérapeute. Seulement, quand on est avec le Sujet, on peut accepter ce qu’il vit pour l’utiliser avec lui en vue de sortir de l’impasse. Pour évoquer cette attitude, Milton Erickson parlait de Accepting and utilizing, expression qui est plus connue depuis comme Pacing and leading selon les mots de Bandler et Grinder. 

Cette position a une grande valeur éthique. En effet, elle ne s’inspire pas de l’Autre comme d’un objet de cure que l’on puisse manipuler. Dans cette vision, l’Autre est le Sujet de son expérience et il nous renseigne sur le point commun de départ pour ce chemin de soin qui reste à tracer.

Lorsque le thérapeute se synchronise sur la respiration, les mimiques, la gestuelle du Sujet, il tente de ressentir par empathie ce que la personne vit. Pour décrire cette attitude, on utilise communément le terme de Maching et il ne se réfère pas à une simple imitation, mais à une volonté du thérapeute de vivre une véritable connexion de manière intentionnelle! Les deux se rejoignent dans l’objectif voulu: aller plus loin et dépasser ensemble les obstacles qui ont conduit la personne en thérapie. 

Il s’agit d’un Accordage affectif qui calme l’anxiété grâce à l’impression que d’autres sont aussi connectés à ce qui est ressenti par le Sujet. Ceci permet de sortir de l’angoisse de la solitude existentielle. Il semble que ce mécanisme soit inscrit dans nos gênes car, comme le fait remarquer Daniel Stern, il est déjà présent entre le bébé et sa mère. 

En résumé, on peut dire que le Maching est un outil destiné au thérapeute dans le but de l’aider à s’approcher de ce que le Sujet est en train de vivre. L’accordage affectif, quant à lui, est un message perçu par le Sujet qui lui signifie qu’il n’est plus seul sur le chemin de sa souffrance et que le thérapeute tente de l’accompagner dans son processus. 

Au début de ce siècle, la découverte de la présence des neurones miroirs aussi dans notre cortex prémoteur ventral semble valider cette intuition qui est bien plus ancienne! Le thérapeute ne répète pas comme un perroquet, n’imite pas comme un miroir, mais il ratifie au Sujet l’importance de son vécu et la volonté du thérapeute d’être disponible pour lui.

En conclusion, nous pouvons dire que le thérapeute veille à ce que l’ensemble du setting vise à ratifier au Sujet que tout son vécu est important et que c’est lui-même qui a un rôle central dans la thérapie. 

4. Identifier les canaux sensoriels privilégiés

Il est bien connu que l’hypnose est aussi à la base de la PNL. Rien d’étonnant que l’hypnose, comme la PNL, soit attentive à l’observation des canaux préférentiels de connection d’un Sujet avec le monde. On utilise l’acronyme VAKOG pour identifier le canal Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif ou Gustatif. Selon la PNL, la position du regard pendant l’entretien peut fournir des indices sur ce que la personne est en train de vivre. 

Même si on ne peut pas considérer ce procédé de manière scientifique, il s’avère qu’empiriquement, il est souvent un bon indicateur. Pour simplifier, on peut dire que lorsque la personne porte son regard vers le haut, elle est en train de visionner mentalement un événement. Si elle le porte vers le bas, elle est occupée à l’élaboration d’une sensation ou d’une impression kinesthésique. On observe que lorsque le regard reste central, ni vers le haut ni vers le bas, le Sujet est en train de recueillir des informations auditives. A ceci s’ajoute que, si le regard est orienté vers la gauche, il y a de fortes chances que le canal du VAKOG soit occupé à quelque chose qui concerne le passé, on est dans la remémoration. Si le regard s’oriente vers la droite, c’est que la personne est en train de voir, entendre ou ressentir quelque chose qu’elle projette dans le futur. Ceci n’est pas fiable à 100% et il arrive que certaines personnes, lorsqu’elles élaborent des choses issues des souvenirs, orientent leur regard vers la droite plutôt que vers la gauche. Quoi qu’il en soit il est toujours possible de demander à la personne de raconter quelque chose qui s’est passé hier pour observer si son regard se porte à gauche, comme attendu, ou à droite. 

Le thérapeute peut donc, en fonction de ce qu’il observe, se faire des idées sur ce que la personne est en train de vivre et, s’il le trouve utile, il peut demander des compléments d’informations. 

Pour l’instant, il est utile d’insister sur le fait que le thérapeute porte toute son attention sur le Sujet en thérapie. Toute information que ce dernier nous donne est très importante, peu importe qu’elle soit verbale, paraverbale ou non verbale.

L’observation du VAKOG est aussi utile pour donner au thérapeute des indications sur la manière la plus adaptée pour aider le Sujet à entrer en hypnose. Le thérapeute invitera le Sujet à se concentrer sur son canal du VAKOG privilégié. C’est ce qu’on appelle l’induction. Nous en parlerons plus en détails dans le paragraphe sur les inductions.

5. L’importance de l’attente et du choix

La pratique que je vais décrire ici est appelée «Yes set». 

Elle est utilisée assez fréquemment lors de la première séance d’hypnose. Son objectif est d’aider le Sujet à s’affirmer à lui-même ainsi qu’au thérapeute que la démarche thérapeutique d’hypnose qu’il entreprend correspond bien à son attente et à son souhait. 

Le Sujet qui se décide à venir en thérapie peut avoir des craintes face à l’hypnose. Il a probablement entendu des choses contradictoires de type occulte, mystique ou magique, ou il a vu des spectacles dans lesquels des gens ont des réponses étranges face à l’hypnose et il arrive en séance avec une certaine crainte.

Avant de commencer une séquence d’approbation, le thérapeute s’assure d’avoir bien compris la demande précise du Sujet et, ensuite, il lui demande de confirmer si ce qu’il va lui proposer est bien ce qui est attendu.

Par cette démarche d’ajustement, le thérapeute formule une série de questions auxquelles le Sujet va répondre «Oui» soit verbalement soit par un geste convenu à l’avance. L’objectif de renforcer l’adhésion du Sujet à la thérapie peut paraître manipulateur au premier abord. En réalité, c’est le Sujet qui demande à son thérapeute: «Rassurez-moi ; vous allez vous engager avec moi dans ce qui m’a conduit en thérapie».

Illustration par un cas

L’exemple qui suit, je l’ai utilisé avec un patient qui souhaitait se débarrasser du tabagisme.

Dans la première partie de la séance, il avait dit que son histoire de tabagisme avait commencé à 14 ou 15 ans. Sa première bouffée de tabac a été suffocante, il s’était presque étouffé et avait toussé longuement, mais il a persévéré car, dans son milieu, les autres jeunes se moquaient de lui en le traitant de gamin. Fumer avait été une sorte de promotion sociale qu’il a dû conquérir par la persévérance jusqu’à la dépendance.

Il se plaint du fait qu’il continue de fumer, alors qu’aujourd’hui, il n’a plus besoin de montrer à personne qu’il est grand. Il a calculé que le tabac lui coûte environ 700.- francs par mois et qu’il doit faire des économies sur ses destinations de vacances pour garantir ce budget et fumer. Il tousse le matin et il éprouve de l’essoufflement quand il fait du vélo ou quand il monte les escaliers. Pour éviter que son appartement ne sente la fumée, il fume sur le balcon, mais ça n’empêche pas que ses habits s’imprègnent de l’odeur.

Voici ce à quoi pourrait correspondre une séquence d’approbation pour ce Sujet:

Vous avez commencé à fumer dans votre jeunesse…

Votre première bouffée de tabac vous a incommodé… et vous l’avez mal supportée…

Vous avez persévéré pour plaire à vos amis…

Vous aviez besoin de vous sentir intégré dans leur groupe…

Aujourd’hui, les cigarettes vous coûtent trop cher…

Votre budget de vacances s’est adapté à vos frais de tabac…

Vous souffrez d’essoufflement quand vous montez les escaliers…

Vous aspirez à retrouver votre souffle…

Vous souhaitez récupérer une meilleure capacité pulmonaire…

Vous êtes déçu des inconvénients que vous vivez…

Vous avez déjà essayé d’arrêter de fumer…

Vous espérez que l’hypnose pourra vous aider…

… bien, dans ce cas, je peux vous dire que j’ai compris que ce projet est important pour vous… je pense qu’il y a encore des ressources en vous qui peuvent vous aider… votre projet est important… nous aurons besoin d’activer votre collaboration… nous allons y travailler ensemble… nous allons explorer ce qui vous retient… nous pourrons activer vos ressources utiles… vous désirez retrouverez ces plaisirs qui vous manquent… respirer à pleins poumons… avoir du souffle à vélo… profiter de vos vacances…

Puisque c’est bien cela que vous cherchez, je vous propose de rentrer dans votre projet par l’hypnose…

A partir de ce «Yes set», on peut proposer de poursuivre l’expérience par l’induction dans l’hypnose.

6. Les inductions

L’induction est la porte d’entrée ordinaire dans l’hypnose. Son but est de concentrer l’attention vers un ou plusieurs canaux sensoriels du VAKOG afin de permettre au Sujet une expérience nouvelle et de s’ouvrir aux ressources inconscientes de son hémisphère non dominant.

L’induction n’a pas besoin de prise de pouvoir de la part du thérapeute et peut se vivre sans autoritarisme et sans directivité. 

Communément, dans les démonstrations lors des spectacles, les artistes aiment utiliser des formules directives pour faire croire qu’ils exercent un pouvoir. En réalité, il s’agit d’un artifice totalement superflu puisque l’induction peut même être «conversationnelle». Dans ce contexte, elle prend plus l’allure d’une démarche tellement spontanée qu’un observateur ne verrait pas de différence entre cet entretien spécifique à l’hypnose et un autre plus classique. Comme dans le cadre de l’hypnose médicale il n’y pas de motivation à impressionner, ce qui compte n’est pas le spectaculaire, mais le fait d’accompagner le Sujet sur un chemin qui le mette en marche vers son propre objectif.

L’induction la plus classique est visuelle.

Dans le cadre de spectacles, elle est utilisée sous une forme directive, voire autoritaire. Dans ces contextes, l’artiste peut demander de se concentrer sur des dessins avec des lignes circulaires qui étourdissent le regard ou sur le mouvement d’une pendule.

Une induction qui est valable pour le spectacle est efficace aussi dans un contexte thérapeutique, mais la comparaison s’arrête là. Une induction n’a pas besoin de ceci pour fonctionner.

Illustration par un cas

Je pense à un jeune homme anxieux qui m’a été adressé par une collègue après une année de thérapie TCC. Le Sujet n’a plus de crises d’angoisse, mais son anxiété est persistante et se manifeste dans des contextes professionnels. Il souhaite une thérapie par l’hypnose et, en même temps, il est préoccupé par ce qui pourrait lui arriver si, comme il le dit, il «se laisse aller».

Il y a de l’ambivalence dans sa demande: «Je crois que l’hypnose peut m’aider. J’ai peur de ce qui peut m’arriver sous hypnose. Soignez-moi par l’hypnose sans m’hypnotiser, car j’en ai peur.»

Après l’avoir écouté sur l’ensemble de ses désirs et de ses préoccupations, je lui ai proposé de vivre l’hypnose de la manière qui le rassurait le plus. Je lui ai dit que je l’invitais à rester tout le long parfaitement conscient de ce que nous allions faire de sorte qu’il puisse le refaire tout seul une fois chez lui. Je l’ai invité à rester vigilant et à m’informer si quelque chose le gênait afin que nous puissions nous adapter. Je lui ai dit que, lorsqu’il souhaitait entrer en hypnose, il pouvait le faire et qu’à tout moment, il pourrait en sortir pour en parler ouvertement comme nous le faisions à ce moment-là.

Une fois obtenu son consentement, nous avons procédé à un «Yes set». Nous voilà prêts pour l’induction visuelle. Je choisis le canal visuel parce que j’ai constaté que son langage est très coloré et, quand il parle d’un événement, il en décrit les caractéristiques visuelles.

Voici comment je m’y suis pris:

Ça va? Êtes-vous bien assis?…

Si vous voulez, laissez votre corps trouver une position qui lui convienne… mais ce n’est pas important…

Ça va si je reste à cette place?…

Si vous le voulez bien, je vous invite à regarder tout autour de cette pièce…

Si vos yeux veulent se fixer sur quelque chose, suivez votre intuition…

Ils peuvent aussi regarder dehors, au travers de la fenêtre s’ils le veulent…

Quand vous aurez trouvez quelque chose qui vous convienne à regarder, faites-moi signe…

Je garde le silence… nous avons tout le temps… laissez faire… et en même temps votre vigilance est bien présente… vous pouvez en tout temps interrompre l’expérience ou l’approfondir… peu importe… je me tais, c’est ok pour vous?

Il me fait un signe d’approbation et je me tais.

Puis, j’observe son regard se fixer sur quelque chose derrière moi. Il me fait à nouveau signe.

Bien, c’est ok de rester un moment en observation de ce qui se passe?

Il approuve à nouveau. Je garde un peu le silence.

Tout en observant le point sur lequel les yeux se sont posés, remarque votre respiration, elle paraît calme…

Ces yeux ont peut-être des sensations diverses ou alors rien du tout… peut-être une lourdeur… une sensation de sécheresse… ou d’humidité… des picotements… rien du tout… envie de mieux voir ou de se fermer… autorisez-vous à laisser faire…

J’observe ses yeux se fermer.

C’est bien… 

Parfois, on voit bien avec les yeux ouverts… 

Parfois, on voit mieux avec les yeux fermés…

Parfois, on ressent mieux avec les yeux fermés… comme un baiser d’amour… les yeux fermés… on ressent mieux ses émotions… on voit mieux ce qui se passe dedans…

Et vous savez que ces yeux peuvent s’ouvrir quand ils le veulent… et ils peuvent regarder à l’intérieur… juste fermés comme ça.

Et vous pouvez constater ce qui se passe dans ce corps, dans cette tête (il venait de la pencher en avant)… 

Est-ce que ça va si on continue encore un moment?… (Il approuve.)

Soyez curieux, observez ce qui se passe à l’intérieur de vous… respiration… poids ou légèreté des membres… sensation de chaleur ou de fraîcheur… 

Soyez curieux, je ne sais pas… mais ce corps sent… il montre… soyez curieux… 


(
Il fait signe d’approbation avec sa tête.)

… très bien… c’est ça l’hypnose… être curieux sur son vécu… apprendre de ce que ce corps sait déjà… aller avec ce corps à la découverte de ses désirs… découvrir des choses qu’on sait sans savoir encore qu’on les connaît déjà…

Et vous pouvez parler en tout temps… pour m’informer si vous voulez… je ne sais pas… vous savez ce que vous ressentez… c’est votre hypnose… c’est vous qui savez… et vous pouvez même garder tout ça pour vous… dans le secret de votre cœur… c’est votre corps qui contrôle… c’est vous qui savez… et c’est bien ainsi…

(Il dit avec une voix un peu pâteuse: «c’est bizarre, je ne sens plus mes mains.»)

C’est bien… découverte originale… des sensations particulières… et vous le savez bien… vos mains sont bien là… 

Nous avons continué la séance et nous sommes servi de cette sensation comme d’une métaphore. Il ne sentait pas ses mains, mais il savait bien que ses mains étaient présentes, exactement comme ses ressources qui le soutiennent et qu’il utilise spontanément sans savoir qu’elles existent. Nous avons utilisé cette sensation pour constater que la plupart du temps, il s’efforce de s’assurer qu’il a tout pour bien faire au point d’angoisser. Je n’explique pas trop la métaphore que j’ai à cœur, mais je la raconte. En rappelant qu’il y a des ressources présentes même lorsqu’on n’en a pas conscience comme ses mains qu’on peut oublier de sentir alors qu’elles sont bien là.

Pour terminer la séance, je l’ai invité à utiliser à nouveau le même canal sensoriel.

… ces yeux fermés ont vu des réalités internes… peut-être qu’ils veulent à nouveau voir aussi les réalités externes… quand vous le voudrez, vous pouvez les laisser faire…

(Ses yeux restaient fermés et il semblait apprécier de rester dans l’expérience)

… peut-être souhaitent-ils rester encore ouverts sur l’intérieur… laissez faire… et quand vous êtes prêt… autorisez-vous à respirer plus profondément… très consciemment…

(Après une brève attente d’une minute, il prend l’air plus profondément.)

… très bien… encore une fois (je respire fort comme lui)… et vous pouvez bouger vos mains… encore une fois… très bien  et laisser ces yeux s’ouvrir  laissez-les se promener, curieux… où ils veulent… (Il ouvre les yeux, il s’étire)  très bien… laissez ce corps reprendre sa place… s’étirer… bailler s’il le veut… même bruyamment… et vous pouvez partager ce que vous avez vécu… ce que vos yeux intérieurs ont observé. 

A la fin de l’expérience, il était surpris qu’à un certain moment, il se soit senti «partir détendu», comme si son besoin de contrôle n’avait, pour un instant, plus eu de raison d’être. Il a dit qu’il avait vécu ce moment comme s’il était en sécurité, surpris de cette première expérience de l’hypnose et content d’avoir osé se confronter sa crainte.

Deux séances plus tard, il revient sur l’expérience et il me dit: «Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais j’ai l’impression que quelque chose s’est décoincé. Je suis plus spontané dans mon quotidien et je suis moins envahi par les réactions des collègues de travail

Comme nous le disions, l’induction est la porte d’entrée dans l’expérience hypnotique. Elle utilise l’expérience sensorielle du Sujet et lui donne la certitude que c’est lui qui sait ce qui lui arrive. Un hypnothérapeute ne peut pas savoir ce qu’une personne sous hypnose est en train de vivre. Il ne peut pas le provoquer sans son consentement. Il redonne pouvoir au Sujet sur sa propre vie.

L’induction peut aussi être auditive. 

Si, d’une certaine manière, on peut dire que l’induction comporte toujours un aspect auditif grâce à la voix du thérapeute qui accompagne, cadence et soutient le processus hypnotique, il est aussi possible d’accentuer l’aspect auditif en recourant à des musiques ou à des bruitages. Dans ce sens, il m’arrive d’utiliser le chant des baleines. 

Selon une étude décrite par Philippe Dafflon, le contact avec les cétacés a un impact sur l’être humain. 

Mais il faut surtout savoir que les puissants ultrasons émis par les dauphins ont des effets scientifiquement mesurés sur notre corps, notre cerveau et notre psychisme: synchronisation des hémisphères cérébraux, production d’ondes alpha et thêta, augmentation de l’activité onirique, diminution du stress, du rythme cardiaque et de certains troubles, comme par ex. la dépression.

Des interprétations instrumentales dans un style louange, easy listening ou musiques ethniques peuvent aussi bien faire l’affaire. L’avantage de l’utilisation de la musique se trouve dans sa reproduction facile aussi à domicile et en dehors du lieu de consultation. Les musiques, selon leurs styles, invitent à l’extase, au voyage, à la détente car elles procurent l’impression d’avoir enfin du temps. 

En séance, les musiques offrent un fond auquel se mélange la voix du thérapeute qui invite à l’exploration.

L’induction par la voie auditive est à privilégier au cas où une personne a peur de perdre le contrôle. Elle peut laisser son regard se promener pendant que son ouïe l’accompagne dans une exploration. 

Dans ce contexte, l’induction se sert de la prosodie de la voix du thérapeute qui, du coup, assume une grande importance. Selon le type d’exploration, sa voix sera plus ou moins grave ou aiguë, chaleureuse ou monotone, lente, voire très lente, ou au contraire rapide et tonique. Le thérapeute cherche à s’accorder avec ce que le Sujet lui renvoie de son vécu du moment. Dans ce sens, une attention toute particulière est portée au ton avec lequel le thérapeute ratifie les signaux corporels et les mouvements idéomoteurs observés.

Induction à partir d’indices olfactifs ou gustatifs.

L’induction peut être pratiquée à partir de tous les canaux du VAKOG. Même si l’utilisation des odeurs et des goûts dans l’induction est peu fréquente, elle peut être particulièrement appropriée à des problématiques spécifiques ou à des personnalités particulièrement sensibles à ce type de message sensoriel.

Dans ma pratique, je m’en suis très peu servi. 

L’induction par l’odorat m’a été particulièrement utile avec une personne souffrant de boulimie. 

L’induction a eu lieu à partir d’une fragrance appréciée par la personne. Je lui avais demandé de venir en séance avec un parfum qu’elle aimait particulièrement. 

L’expérience a eu comme effet un accroissement de sa curiosité olfactive qui s’est poursuivie dans la vie réelle et a provoqué la recherche et l’identification des goûts à table et des odeurs lors de ses promenades. 

Pendant ses repas, pour répondre à cette nouvelle curiosité, sa tendance à l’alimentation compulsive s’est ralentie. Le besoin de sentir les odeurs et d’identifier les textures des aliments avait produit un ralentissement de la mastication avec, comme conséquence, une meilleure perception de la sensation de satiété.

L’induction kinesthésique.

Souvent, elle est combinée à d’autres modes d’inductions, en particulier auditives en raison de la voix du thérapeute. 

Dans ces cas, le thérapeute demande au Sujet de se concentrer sur ses sensations corporelles du moment. Il l’invite à observer sa position dans l’espace, la sensation de sa pesanteur, les sensations tactiles des parties du corps qui sont en contact avec le siège, les sensations thermiques, les variations de pression et ainsi de suite. 

Il n’est pas toujours nécessaire que le thérapeute guide le Sujet. Ce dernier peut choisir une sensation corporelle et l’explorer, il peut en parler, en observer les variations avec le temps ou les déplacements dans le corps.

Un exemple d’induction kinesthésique combinée est celle qui invite le Sujet à tendre son bras et à observer un doigt ou un ongle. L’ensemble des sensations corporelles induisent rapidement une détente qui permet au Sujet d’entrer dans l’état de conscience spécifique de l’hypnose.

Induction par catalepsie du bras et lévitation de la main.

Une forme particulière d’induction kinesthésique est la catalepsie du bras ou, à l’opposé, la lévitation de la main.

Dans ma pratique, j’utilise rarement ces expériences. Selon moi, elles ont un effet de surprise sur le Sujet et l’encouragent à accueillir l’idée que le corps est bien fait et qu’il a des ressources inconnues qui peuvent se mobiliser et soutenir le processus de guérison.

Dans les ressources online du livre Soigner par l’hypnose, le Dr Gérard Salem montre l’enregistrement de séances d’hypnose avec une personne qui souffrait d’hémiplégie. Il utilise l’induction par lévitation de la main. Il est impressionnant de constater que la personne arrive, après quelques séances, à se lever et à récupérer sa mobilité. L’expérience que la main sait ce qu’elle fait, qu’elle se lève lentement, la perception des mouvements lents et saccadés propres à l’hypnose communiquent, à mon avis, une expérience nouvelle à la personne. Elle ne savait pas ce que son corps et tout son être pouvait faire. Maintenant, elle vient de l’expérimenter. A chaque fois que j’ai eu l’occasion de le pratiquer, le Sujet m’a dit sentir en même temps ce désir de poursuivre l’expérience et la capacité de l’interrompre à tout moment. Du coup, c’est comme si ce mouvement était en même temps volontaire et spontané, choisi et expérimenté comme involontaire. Le Sujet commence à se rendre disponible à laisser agir cette force naturelle et inconsciente qui naturellement nous conduit vers le meilleur de ses potentialités. C’est comme si la tendance actualisante décrite par Carl Rogers venait à se libérer et parvenait à s’activer. Pour rappel, la tendance actualisante est cette force naturelle inscrite dans tous les organismes vivants qui leur permet de tirer le meilleur profit de la situation du moment, des meilleures et des pires situations. C’est cette pulsion qui nous aide à nous relever quand nous tombons, à cicatriser quand nous nous blessons physiquement ou intérieurement.

La catalepsie du bras est une technique qui se pratique en général quand une intervention rapide est souhaitable. Les Sujets dont la préférence sensorielle est la voie kinesthésique réagissent particulièrement favorablement à cette procédure.

Généralement, le thérapeute demande au Sujet son accord pour faire une expérimentation d’entrée en hypnose à l’aide de son bras. Il lui demande ou lui suggère de rester totalement conscient de ce qu’il va vivre. Il lui dit qu’il va prendre son bras et qu’il va le placer quelque part en l’air à un endroit où il pourra rester tranquille. Pendant ce temps et en toute simplicité, le Sujet peut continuer de se détendre et observer. 

Le thérapeute, une fois obtenu le consentement du Sujet, met une main vers le coude et l’autre vers le poignet, et bouge lentement et de manière déterminée le bras comme pour le mettre en suspension. Puis, il informe la personne que son bras peut, s’il le veut, rester en suspension dans l’air. Les sensations peuvent être modifiées et l’expérience peut être vécue comme originale. Qu’il reste curieux et qu’il observe comment ce bras va réagir. Le thérapeute soutien le poignet un petit instant et, quand il perçoit qu’une certaine rigidité est acquise, on parle dans ce cas de catalepsie. A ce moment le thérapeute peut évoquer que, maintenant, le bras sait rester suspendu s’il le veut: il peut flotter dans l’air. Le thérapeute invite à observer cette sensation tout en continuant à se détendre puis, il retire son soutien. Le Sujet perçoit son bras en suspension et, même si le thérapeute essaie de le faire bouger un peu par une petite secousse, le bras réagit de manière non ordinaire.

Le thérapeute invite le Sujet, s’il le souhaite, à laisser cette sensation se propager à d’autres parties de son corps. Ensuite, il suggère que la détente ou la lourdeur du bras se manifeste dans sa descente jusqu’à toucher le siège ou la cuisse et invite le Sujet à entrer plus profondément dans la transe hypnotique.

L’induction par lévitation de la main est aussi une expérience kinesthésique d’entrée en hypnose. En ce sens, elle est semblable à l’expérience de catalepsie.

Il y a diverses manières de procéder qui sont plus ou moins imaginatives. En effet, ces expériences ont une valeur heuristique. Elles font en sorte que le Sujet découvre quelque chose sur lui qui le rende curieux et intéressé. Du coup, il se sent prêt à accueillir ses ressources inconscientes qui l’accompagneront sur la voie de la résolution de ses difficultés. Il apprend que son corps et son être savent des choses qu’il ne pensait pas savoir et qu’ils ont le pouvoir de le soutenir là où il croyait être impuissant, car il ne se savait pas muni de ce pouvoir de s’aider lui-même.

Voici une procédure possible.

Illustration par un cas

Après un «Yes-set», le thérapeute invite éventuellement le Sujet à prendre la place qui lui convient sur son siège.

Invitez votre corps à se poser tranquillement sur ce siège… suivez-le dans sa détente… ou dans ses tensions… et quand vous le sentez… accueillez avec curiosité les sensations de vos mains… prenez le temps… 

Ces mains éprouvent des sensations… parfois identiques l’une et l’autre… parfois différentes l’une de l’autre… peu importe, les mains les sentent… vous accueillez… 

Lorsque vos yeux veulent voir… ils peuvent rester ouverts… ou alors se fermer pour mieux voir de l’intérieur… 

Une main peut devenir plus légère… une autre plus lourde… je ne sais pas… elles le savent… elles vous le montrent… 

Pendant ce temps, il est important de ratifier ce que le thérapeute observe en termes de mouvements idéomoteurs.

Peut-être que c’est un doigt qui est plus léger… peut-être un autre… peu importe… les doigts le savent… vous pouvez même observer toutes ces sensations dans les doigts… les accompagner dès qu’ils veulent s’élever… je ne sais pas quel doigt bougera en premier… laissez simplement faire… comme si on attachait un ballon qui s’envole à un doigt… puis, à un autre… puis, à un autre… puis, au poignet…

Lorsque la main bouge, on ratifie ce qui se passe et on encourage à poursuivre l’expérience.

… Et voilà… le poignet s’élève un peu… le coude se plie… la main est légère… elle s’élève… elle s’envole… jusqu’où elle le voudra… et cette légèreté se répand… et le corps entier en profite… et elle poursuit son chemin… jusqu’à toucher le visage… et vous observez tout ça… consciemment… 

Puis, lorsque la main aura touché le visage on invite l’expérience à se poursuivre en approfondissant la transe.

… très bien… et maintenant cette main… voudra redescendre… à son rythme… elle sait comment… et, si vous le voulez bien… pendant qu’elle descend… la transe peut s’approfondir… et lorsqu’elle sera totalement appuyée… au contact avec votre cuisse… vous serez prêt à poursuivre l’expérience… votre expérience… sera-t-elle une transe?… Serez-vous totalement conscient?… peu importe… vous poursuivez… et votre inconscient s’éveille… il nous inspire… il nous prépare à la suite…

L’induction peut être induite de diverses manières. La créativité et l’intuition du thérapeute peuvent le conduire à inventer des procédures les plus variées pour s’adapter plus précisément à un Sujet particulier. 

Linduction pratiquée par comptage est la dernière que je décrirai. Dans ce contexte, le thérapeute invite le Sujet à se concentrer sur ce qu’il ressent dans son corps pendant que le thérapeute prononce lentement une suite de chiffres qui vont par exemple de 10 à 1. 

Il lui propose d’observer comment, à l’énoncé de chaque chiffre, des choses pourraient changer dans ses propres sensations. Il lui demande aussi de rester curieux face à ce processus. Il pourrait dire lorsque vous entendrez 10, vous prendrez une bouffée d’air… 10… 

A 9, si vous voulez… vous pourrez prendre place confortablement… 9…

A 8, ce corps commence à se détendre… comme il le veut… 8…


Le thérapeute poursuit jusqu’à arriver au chiffre un qui l’invite à approfondir son expérience d’hypnose.

Pour conclure cette section sur l’entrée en hypnose, il me paraît important de retenir que l’induction est une technique qui nous dirige vers un objectif. Elle n’est pas un but en soi, mais juste un chemin vers le but qui est l’activation des ressources inconscientes.

J’aime citer une parole de St-Paul qui me semble particulièrement appropriée et qui montre combien des forces invisibles naturelles et voulue par Dieu agissent sur nous au quotidien. 

A celui qui peut, par la puissance qui est à l’œuvre en nous, faire infiniment au–delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui la gloire dans l’Eglise et en Jésus–Christ, dans toutes les générations, à tout jamais. Amen! 

Ici, il est évident que l’apôtre se réfère à la puissance de Dieu qui est à l’œuvre en nous. Il me paraît pourtant judicieux de considérer que cette puissance divine est à la fois spirituelle et organique.

En nous, existent divers systèmes et tous ont un fonctionnement important et puissant. 

Pensons par exemple aux systèmes sanguin, nerveux, immunitaire, digestif, spirituel et ainsi de suite. 

Dieu agit par les divers systèmes actifs en nous. A Lui soit la gloire! Or, la puissance d’action et de restauration de l’inconscient est aussi d’origine divine. Nous pouvons la laisser agir avec reconnaissance.

Pour moi, elle correspond aussi à ce que C. Rogers définissait comme une «tendance actualisante»: merveilleuse capacité des organismes vivants à s’adapter aux blessures pour survivre au mieux grâce aux ressources disponibles. Capacité extraordinaire qui, au lieu de se plaindre de la perte, s’active avec ce qui est possible pour garantir la meilleure vie possible!

7. Identifier un lieu de sécurité (safe place)

Il est d’usage d’identifier ou de créer un lieu sûr dès les premières séances d’hypnose. Il s’agit d’identifier un espace rassurant comme un lieu refuge ou une ville refuge de l’Ancien Testament où, quoi qu’il arrive, on est hors d’atteinte de l’adversité. 

La fonction de ce lieu refuge est multiple, mais son rôle principal est de pouvoir y retourner mentalement en cas de difficulté.

Dans un travail avec une personne qui a vécu des abus ou des graves maltraitances, il peut arriver que le Sujet se remémore une expérience traumatisante. Cette réminiscence risque de produire un nouveau traumatisme. 

Dans ce cas, il est d’usage d’inviter la personne soit à sortir de l’hypnose soit à aller dans son lieu refuge où elle se sait hors d’atteinte. Dans les deux cas, l’objectif est de protéger la personne et de lui offrir une réponse apaisante aux «abréactions affectives»: l’activation intempestive et paroxystique typique des expériences de traumatisme. Dans le cas où elle est reconduite dans l’ici et maintenant du cabinet, la réassurance se produit par la présence bienveillante du thérapeute et du cadre. Le lieu est sûr et la relation est sûre, la personne peut «se désactiver» et retrouver son état émotionnel ordinaire et à nouveau «s’ancrer», comme un bateau qui, dans une tempête, trouve un port sûr et rassurant. 

Dans le cas où le Sujet a construit au préalable son propre «lieu sûr», il peut partir dans sa propre «ville refuge» à l’intérieur de lui-même et produire ainsi un auto apaisement qui lui permette de «penduler», c’est-à-dire d’accepter que quelque chose de terrible est réapparu et que son propre lieu d’apaisement est tout-à-fait adapté au retour du calme. L’angoisse se calme, le stress s’apaise et le Sujet peut s’enraciner dans son propre espace. Du coup, il fait l’expérience que l’auto-régulation émotionnelle est autant efficace que la régulation par un soutien externe. La prise de conscience de l’existence de ce lieu refuge redonne du pouvoir au Sujet face à certaines de ses angoisses.

Illustration par un cas

Pour mieux comprendre cette dynamique, je vais décrire comment une personne peut construire son lieu sûr. A la fin de cette description, je partagerai les propos qui m’ont été confiés par une croyante évangélique qui a grandi dans une famille d’origine catholique.

Construction d’une place sûre.

Prenez-vous un moment à votre rythme… installez-vous à votre guise… cherchez le meilleur confort possible… et quand c’est bon pour vous… laissez un signe me le montrer… et vous pourrez… à un rythme qui vous appartient… identifier… peu à peu… un lieu… un espace réel… ou imaginaire qui vous convient… une sorte de lieu de sécurité… est-ce que ça vous va ainsi?… 


(Silence en attendant le signal.)


… bien, vous êtes ici dans ce cabinet… vous pouvez regarder tout autour… remarquer que tout est à l’ordinaire… tout est calme… je suis ici pour vous soutenir… tout est serein… les sensations du corps sont bien là… la respiration est calme (ratification seulement si c’est le cas)… bref, c’est bien, n’est-ce pas?…


(Attendre la confirmation.)


… alors, je vais vous proposer… d’identifier ou d’inventer… un lieu de sécurité… un lieu refuge… qui soit toujours disponible… ici en séance… et partout ailleurs… quand vous êtes chez vous… disponible en tout temps… pour vous… dès que vous êtes prêt… un signe m’en informera… et maintenant… prenons tout le temps qu’il faut… au bon rythme pour vous…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… je vais vous accompagner… comme on accompagne un enfant… en bas d’un escalier… comme quand on va dans un espace secret… plein de mystères… de secrets… ou de trésors…

Je vais vous accompagner dans ce processus… et pendant cette expérience… laissez votre intuition vous conduire… nous n’avons pas besoin de savoir à l’avance… je n’ai pas besoin de savoir… juste se laisser conduire… vers un lieu souvenir de sécurité… vers un souvenir de sécurité… réel ou imaginaire… du passé… du futur… un lieu qui convient…  si vous le voulez… vous pouvez imaginer un escalier… qui descend ou qui monte… à la cave ou au galetas… peu importe… laissez un signe me montrer quand c’est bon…


(Attendre la confirmation.)


… super… je n’ai aucun besoin de savoir… rien que vous accompagner… sans rien savoir… vous savez et c’est suffisant… imaginez les marches… je vous propose dix marches… à descendre ou à monter… peu importe… prêt pour la première marche? 


(Attendre la confirmation.)


… bien… respirez un coup à votre rythme… profitez de cette première marche… et puis, la deuxième… à votre rythme vers ce lieu… et la troisième… nous avons tout le temps…

Prendre le temps et éventuellement rendre la personne attentive à ses sensations favorise l’entrée en dissociation. La personne est consciente d’être en même temps «ici et ailleurs» dans un processus de construction mentale qui lui appartient.


… et voilà cette dixième marche… nous place devant une porte… réelle ou imaginaire… dont vous seul avez le secret… vous seul pouvez l’ouvrir… et quand vous y serez entré… dans ce lieu secret… un lieu de sécurité… vous pourrez explorer… comme un enfant qui découvre… des trésors qu’il aime… des trésors qu’il sait avoir… faites-moi savoir quand vous y êtes…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… super… autorisez-vous à explorer… rappelez-vous, c’est un lieu secret… votre lieu de sécurité secret… regardez bien tout autour… lentement… observez bien… quand vous avez fait le tour… laissez un signe me le faire savoir… vous avez tout le temps…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… peut-être qu’il y a des odeurs… des odeurs agréables d’antan… soyez curieux… profitez-en… car vous pourrez toujours y revenir… vous en remplir le cœur… quand vous avez senti tous ces odeurs… laissez un signe me le faire savoir… vous avez tout le temps…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… peut-être avez-vous d’autres sensations agréables… le sol sous les pieds… la chaleur ou la fraîcheur… prenez tout le temps… et quand vous avez fait le plein de toutes ces sensations… laissez un signe m’en informer… vous avez tout le temps…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… regardez bien… peut-être même qu’il y a un coffre  une boîte à trésors… vos ressources secrètes… personne n’a besoin de savoir… je n’ai pas besoin de savoir… c’est votre lieu secret… profitez-en un moment… le temps qu’il vous faut… quand c’est bon pour vous… laissez un signe me le dire… vous avez tout le temps…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… super… souhaitez-vous en profiter encore un peu?  nous avons le temps  une prière  une musique  une louange  nous avons le temps  et quand vous me le montrerez  je vous accompagnerai à nouveau  à votre rythme 


(Attendre la confirmation.)


… très bien… peut-être qu’il y a dans ce lieu une ouverture… ou alors pouvez-vous l’imaginer… en hypnose on peut créer des portes… imaginer des ouvertures à tout moment… prenez le temps et laissez votre signe me le faire savoir…


(Attendre la confirmation.)


… je vous invite à ouvrir ce passage… vos yeux voient déjà?…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… traversez cette ouverture… respirez ce nouvel air… tout en gardant dans votre cœur… ce souvenir de ce lieu de sécurité… ce lieu qui vous convient… ce lieu de sécurité qui s’ouvre… profitez de cet espace ouvert et de sécurité… puis, laissez un signe me montrer quand vous en avez fait le plein…


(Attendre la confirmation.)


… très bien… imaginez un signal secret… est-ce un claquement de doigts?… le point dans sa poche?… ou un autre signe personnel… un signe secret… qu’importe… faites-moi un signe quand vous l’avez inventé… 


(Attendre la confirmation.)


… et maintenant que vous l’avez… votre signe secret… il suffit de le faire… et comme un raccourci merveilleux… juste un signe… juste ce signe… il suffira pour vous accompagner… dans votre lieu de sécurité… vous le retrouverez simplement… comme par un claquement des doigts… 


(Il s’agit d’une suggestion post-hypnotique. J’en parlerai un peu plus loin.)


… et, maintenant, je vous invite progressivement à quitter ce lieu… pour revenir ici… dans notre cabinet… ici et maintenant… enrichi par ce voyage… quand vous êtes prêt, laissez un signe m’en informer…


(Attendre la confirmation, puis reprendre la suite avec une voix plus tonique.)


… très, très bien, je vous invite à prendre une bonne bouffée d’air…


(Ratifier tout ce qui se passe.)


… laissez ces mains bouger… et les autres parties du corps qui le veulent… les yeux peuvent s’ouvrir… et nous sommes encore ici… après un grand voyage…

Ça va? Voulez-vous partager ce que vous avez expérimenté?


Inviter ensuite la personne à dire ce qu’elle a apprécié, ce qui l’aurait gênée et décrire son lieu de sécurité.

S’assurer que «le signe» secret pour y accéder a bien été choisi. Eventuellement, l’encourager à l’utiliser en lui rappelant que le fait de le faire intentionnellement va l’aider à plonger dans son espace intérieur de sécurité. Lui rappeler qu’un usage fréquent lui en rendra l’accès plus facile.

La description qui précède n’est pas une procédure officielle et je ne la suis jamais à la lettre. Parfois, j’accompagne la personne d’une toute autre manière. Ce qui me guide est l’objectif d’arriver au lieu de sécurité du Sujet. Ma démarche suit uniquement l’envie de m’accorder au le rythme de la personne. Le vécu est très personnel et parfois très surprenant.

Il n’est pas rare que des chrétiens me disent être arrivés dans la «chambre haute» où ils prient. D’autres parlent de souvenirs d’enfant d’une chambre secrète qu’ils avaient imaginée. Certains parlent d’une cabane dans un arbre. 

Une personne en proie à une grande phobie m’a dit s’être trouvée dans la chapelle de Saint-Damien à Assise. Elle l’avait visitée durant son enfance avec son oncle et, à ce moment-là, elle ne l’avait pas aimée. Elle s’y était sentie enfermée et l’odeur de vieux et le sentiment d’enfermement l’avaient gênée. Elle se souvenait bien de la place et du fameux Crucifix de Saint-Damien. Dans l’expérience de mise en place de l’espace de sécurité, elle s’était sentie bien. La notion d’enfermement ressentie dans l’enfance avait disparu. Trois ans plus tard, cette dame m’informe qu’elle avait dû passer une IRM et qu’elle était paniquée à l’idée d’être enfermée. Au moment d’entrer dans l’appareil, elle s’est souvenue de son expérience du lieu sûr et elle y est retournée comme elle avait appris à le faire. Elle a pu y passer un temps dans la contemplation et la prière. Elle savait, en même temps, qu’elle était dans le tunnel d’une IRM et pouvait se concentrer sur ce que le personnel lui disait et retourner immédiatement dans son lieu secret de sécurité.

Un autre des Sujets que j’ai eu en consultation était en l’arrêt de travail depuis des mois. Il s’agit d’un homme dans la soixantaine qui a dû interrompre son activité en raison de divers problèmes neurologiques auxquels s’ajoutait une combinaison d’agoraphobie et de claustrophobie. Sa situation était compliquée. Sa maladie neurologique lui provoquait des migraines, de la diplopie et la perte annoncée des facultés d’un œil. Il devait se soumettre à une IRM, mais il ne le pouvait pas. Lors de son premier examen, son angoisse avait été si forte qu’il avait dit au radiologue: «Si je dois mourir, c’est bon, je mourrai. Je ne peux pas surmonter mon angoisse de cette machine» et il avait quitté les lieux sans passer son examen.

Il m’avait été adressé pour voir si l’hypnose pouvait l’aider. Lors de la construction de son lieu de sécurité, il s’est imaginé sur son fauteuil dans son salon avec une couverture agréable sur les jambes et son chat ronronnant assis par-dessus. En tant que thérapeute, je n’ai pas à juger du style de son lieu de sécurité et c’est bien ainsi! Il faut juste que l’expérience corresponde à la personne et que ce lieu remplisse son rôle d’espace sécurisant.

Il a appris à utiliser virtuellement ce lieu aussi souvent qu’il se sentait dans l’insécurité et, ainsi, il retrouvait un peu de calme. 

Lorsque sa situation de santé s’est empirée, son médecin lui a prescrit à nouveau une investigation par IRM. C’était la panique annoncée, mais il a tout de même tenté d’y retourner. Cette fois-ci, lors de son passage chez le radiologue, il s’est connecté virtuellement à son «lieu de sécurité». C’est ainsi qu’il a surmonté sa claustrophobie. Il m’a dit que l’examen avait été beaucoup plus long que prévu et qu’il avait dû rester environ 90 minutes dans la machine. A la fin, il est allé fêter l’événement avec son épouse. Enfin, il avait surmonté l’angoisse et la claustrophobie. 

La construction d’un lieu sûr, qu’on pourrait juger originale, lui a permis de traverser l’épreuve de l’enfermement sans succomber à la crise d’angoisse.

Peu après, cet homme a aussi pu gérer son agoraphobie et reprendre son travail. Pour fêter cela, il m’a invité à assister avec lui à un spectacle dans un grand théâtre bondé.

8. Suggestions hypnotiques

L’hypnose ne va pas sans suggestions. Elles peuvent être directes ou indirectes et leur action peut être sollicitée même après la séance d’hypnose. On parle dans ce cas de suggestions post-hypnotiques.

Dans le courant défini comme «Nouvelle hypnose» et dans l’hypnose dite «Humaniste», les suggestions directes sont mal vues pour des questions éthiques. Elles sont identifiées comme clairement directives, voire même autoritaires et donnent l’impression qu’on assujetti le Sujet!

D’un autre côté, il est impossible de vivre sans suggestions, car elles constituent un fait banal de l’existence et de tout apprentissage. «Dans la mesure où j’imite le geste de l’autre, on peut tout aussi bien dire que ce geste a été suggéré par l’autre». 

Jean Godin explique que la suggestion recouvre des notions très différentes et c’est important de les distinguer. L’hypnose traditionnelle laissait supposer qu’on puisse insuffler à un Sujet des idées qui ne lui appartenaient pas. Dans la nouvelle hypnose, cette notion est corrigée par l’observation plus réaliste de la réalité. En effet, la suggestion offre la possibilité de se rendre disponible à des nouvelles expériences. C’est un peu comme dire que le Sujet peut s’autoriser à explorer la possibilité de parcours alternatifs à ceux qu’il connaît déjà. 

Pour être plus exact, tout échange d’idées suggère quelque chose et de ce fait est une suggestion! Comme aucune idée ne peut être imposée, de même, aucune suggestion n’a la force de modifier la pensée ou le comportement d’un autre sans son propre accord.

Les suggestions directes.

Elles sont directives, impressionnantes, mais elles ont peu d’utilité!

Elles se présentent dans le style: «Je compte jusqu’à 3 et vos yeux se fermeront». Une telle proposition peut se heurter à l’opposition de la personne et peut mettre facilement en échec l’attente du thérapeute. Si, en fonction de la relation établie avec le thérapeute, cette même suggestion sollicite son désir de collaborer, le Sujet fermera les yeux. En réalité, cette suggestion ne sert à rien! C’est comme si le médecin demande à son patient d’ouvrir la bouche. S’il l’ouvre c’est qu’il veut collaborer activement et consciemment! Rien d’extraordinaire! La force de l’hypnose ne réside pas dans l’exécution de tâches par obéissance, mais plutôt dans l’accueil de ce que l’inconscient du Sujet produit pour s’auto-soutenir.

Dire à une personne «Désormais, vous serez non-fumeur» paraît, à première vue, très intéressant pour quelqu’un qui vient pour arrêter de fumer. Pourtant, même si elle pouvait fonctionner, une telle suggestion présente des biais éthiques importants:

Ce type de suggestion ne laisse pas de place aux choix du Sujet qui est réduit à un objet.

Elle suggère qu’un autre sait ce qui est bon pour soi et provoque de la résistance, voire même de l’opposition.

Elle peut facilement mettre le thérapeute en échec dans son projet et réduire à néant l’efficacité de la thérapie.

Si cela marche et que le Sujet arrête de fumer, il subit une privation de sa compétence personnelle d’arrêter de fumer. C’est comme si un autre l’avait fait pour lui.

Les suggestions indirectes.

Elles peuvent aider une personne à se détendre et à entrer en hypnose. 

Un exemple pourrait être: «Je ne sais pas quand ces yeux seront fatigués», expression qui laisse sous-entendre qu’on est en train d’attendre une détente. 

Un autre exemple: «Lorsqu’une main sera plus légère, elle pourra s’élever», phrase qui laisse entendre qu’une lévitation est normale.

Une autre manière d’utiliser les suggestions serait de proposer à une personne anxieuse ou stressée de s’arrêter un peu et d’observer son animal domestique: chat, chien ou autre, de sentir son pelage, sa manière de se détendre, sa respiration, d’observer son poil, etc. 

Cette observation en miroir sur un autre être vivant fait une allusion indirecte à ce dont la personne à besoin. Cette suggestion peut induire le calme et la détente dont la personne à besoin et qu’elle recherche. 

La métaphore comme suggestion indirecte.

La métaphore peut contenir un message puissant car elle s’exprime dans le langage de l’hémisphère droit pour le dire simplement. Un langage fait d’intuitions, d’images, d’émotions qui permet ainsi d’outrepasser les limites du message logique déjà connu.

Par exemple, expliquer à une personne qui souffre d’acouphènes comment se manifeste son problème et tous les détails au sujet de ce qu’elle peut tenter de faire est presque inutile. En réalité, la personne connaît très bien tout ça et, en attendant que la science puisse la soulager, cette personne a besoin d’apprendre à vivre avec son problème de sorte que les nuisances soient réduites le plus possible et qu’elles deviennent tolérables. 

Si on donne des explications et des astuces, on risque bien de répéter tout ce que d’autres ont déjà dit. Ceci pourrait avoir l’effet d’un renforcement de la croyance: «Je suis seul avec mon mal. Personne ne me comprend. Tous pensent savoir mieux que moi ce qu’il faut faire. Je me sens jugé!» etc.

Dans ce contexte, la métaphore est plus puissante qu’une explication. Evoquer la capacité des pingouins à reconnaître la voix de leur mère au milieu du brouhaha des milliers de voix des autres peut s’avérer thérapeutique. Diverses métaphores dans ce sens peuvent encourager un mécanisme de mise en sourdine du bruit gênant pour se consacrer à reconnaître ce qui nous tient à cœur. 

Un Sujet m’expliquait comment il a été soutenu par des métaphores de ce genre. Actuellement, l’acouphène est toujours présent, mais quand il est gênant, il dit arriver à l’intégrer dans le bruitage de fond comme s’il avait un bouton du volume qu’il pouvait baisser au point de le rendre moins gênant. 

Les suggestions paradoxales.

Elles ont le mérite de permettre à un Sujet de favoriser la dissociation du fait qu’elles produisent de la confusion. Elles sont à utiliser avec parcimonie.

Dans le cas d’une personne très stressée, une suggestion paradoxale pourrait être: «… et vous n’avez besoin de rien faire… rien faire pour se détendre… rien faire pour laisser venir… rien faire pour respirer… rien faire pour se reposer… rien faire pour laisser les idées passer… rien faire pour les retenir…». Le paradoxe de ces suggestions, c’est que «ne rien faire», c’est le mieux à faire pour permettre au stress de se dissiper.

Prenons l’exemple d’un chrétien qui pense que l’hypnose fonctionne comme une possession spirituelle et que le thérapeute, si ce n’est pas Satan lui-même, risque de prendre la direction de sa vie. Si, en raison de ses douleurs chroniques, son médecin lui prescrit des séances d’hypnose, ce Sujet risque de se trouver devant une double contrainte. Suivre les indications de son pasteur ou celles de son médecin? 

Dans ce cas, des suggestions paradoxales peuvent être les bienvenues. Elles pourraient prendre la forme: «Et vous n’avez pas besoin de suivre mes indications… vous êtes libres de ne pas suivre mes conseils… vous n’avez pas besoin de m’obéir… et vous n’avez pas besoin d’entrer en hypnose… et en même temps que vous êtes vigilant, vous pouvez vos concentrer sur un détail de…» etc.

L’injonction du ralenti.

C’est une autre forme de suggestion paradoxale. Elle consiste à demander à la personne de ralentir pour ne pas entrer trop vite en hypnose ou pour ne pas utiliser trop rapidement ses ressources inconscientes et pour mieux profiter de cet apprentissage.

L’utilisation des suggestions paradoxales n’est pas très évidente et nécessite un grand entraînement et de bonnes habilités de la part du thérapeute. 

Suggestions post-hypnotiques.

Dans ma pratique, je n’utilise que très rarement les suggestions post-hypnotiques et, lorsque je le fais, c’est en général en lien avec l’entrée dans le «lieu sûr». Dans ce cas, je suggère que plus la personne se projettera virtuellement dans ce lieu, plus facilement et plus rapidement elle pourra y retourner. 

Suggestion et prudence pour des raisons éthiques.

Dans certaines circonstances, des thérapeutes expérimentés utilisent un ensemble des suggestions indirectes comme des alternatives à offrir à un Sujet. L’idée étant qu’elles puissent lui servir comme un trousseau de clés emprunté à un serrurier. C’est le Sujet qui choisit s’il veut les tester afin de vérifier s’il en trouve une qui soit compatible avec sa propre serrure.

En revanche, lorsque les suggestions indirectes ne sont qu’une astuce pour camoufler une attente précise du thérapeute, elles ressemblent à s’y méprendre aux suggestions directes et, dans ce cadre, elles ne sont pas plus efficaces que les premières. Leur succès ou leur échec ne signifie pas grand-chose pour la thérapie.

Sur le plan éthique, elles sont totalement inadaptées, car elles peuvent s’apparenter à une intrusion non consentie et à de la manipulation.

En conclusion de cette section, je peux affirmer que dans la nouvelle hypnose, les suggestions ont une place très modeste. 

L’objectif de la thérapie n’est pas d’induire chez un Sujet tel comportement ou une pensée spécifique, mais de l’accompagner et de le soutenir dans son projet d’alléger sa souffrance grâce à ses ressources internes souvent inconscientes: ressources qui peuvent être tant d’ordre physiologique que psychologique et même spirituel. 

L’hypothèse que je formule est que l’hypnose ne fonctionne pas par suggestions, mais par l’activation de la «Tendance actualisante» dont parle Rogers, un don de Dieu qui contient toutes les ressources positives auxquelles un être humain puisse avoir accès.

9. Hypnose conversationnelle

L’hypnose conversationnelle est une manière assez originale d’entrer en hypnose. Le thérapeute n’a pas besoin d’une procédure particulière. Il reste uniquement attentif à ce qu’il observe du Sujet, le lui restitue et construit la séance avec lui de manière créative.

Il est difficile de donner un modèle d’hypnose conversationnelle puisque la créativité est au service de la séance.

Illustration par un cas

Je vais montrer un exemple à partir d’une personne qui souffre d’une basse estime d’elle-même et de difficultés à affirmer ce qu’elle ressent, car elle est trop attentive à son entourage, au point de ne plus savoir comment faire pour être spontanée. Elle m’a été adressée par un autre thérapeute pour donner suite à son souhait de travailler ce thème avec l’hypnose. En même temps, elle veut tenter l’hypnose et elle a peur d’être envoutée! Evidemment que je passe les premières séances à la rassurer au sujet de l’hypnose et lui assure qu’elle n’a besoin de lâcher aucun contrôle. Pour elle, l’hypnose conversationnelle me semble être la bonne voie.

Il s’agit d’un jeune homme qui vient de changer de travail et trouve difficile de fonctionner dans sa nouvelle équipe. Il a peur du regard des autres et craint d’être jugé comme étant inadéquat ou incompétent.

La consultation que je vais décrire a été précédée par deux séances durant lesquelles il m’a présenté sa difficulté et j’ai répondu à ses questions pour le rassurer au sujet de l’hypnose.

Je vais le chercher dans la salle d’attente. Il y a des bruits dans une autre pièce où des enfants jouent en attendant leur rendez-vous avec un thérapeute de famille. Je me place devant la porte et je dis: «Bonjour Monsieur». Il paraît absorbé dans ses pensées. Il ne me remarque pas tout de suite, puis il lève son regard, il m’adresse un sourire, vient à ma rencontre et me tend la main. Je lui souris, nous nous serrons les mains. Je garde brièvement et intentionnellement sa main dans la mienne pendant que je la serre. 

Thérapeute: «Froid aux mains?» 

Sujet: «Oui.»

Th.: «Vous paraissiez absorbé «

S.: «Oui, il doit y avoir des enfants dans l’autre pièce.»

Nous marchons ensemble jusqu’à la pièce de consultation. Je me tiens un pas derrière lui et je marche à son rythme. J’imite sa déambulation, la posture du corps, la longueur du pas, le mouvement des bras. Comme dans une armée qui défile, je suis au pas avec lui. Je tente ainsi d’être le plus proche de sa démarche pour me consacrer à son écoute dans l’espoir d’imaginer ce qu’il peut ressentir. Mon objectif est juste de me caler sur lui pour être à son écoute le mieux que je le puisse.

Th.: «Absorbé par les bruits?»

S.: «Un peu.»

Th.: «J’ai aussi été enfant… Ça nous renvoie en arrière dans le temps… On a tous été enfants…»

S.: «C’est l’insouciance»

Ici, j’amorce une régression en âge. Entre temps, nous sommes entrés dans la pièce et avons pris place dans les fauteuils.

Th.: «L’insouciance, les pensées qui vagabondent… ça fait du bien de laisser l’esprit vagabonder…»

S. lève les épaules.

Th.: «Comme ça… vagabonder dans sa tête… un peu comme insouciant… juste là, un peu distrait.»

S.: «Oh, l’enfance ça passe.»

Th.: «… et ça laisse des traces… une nostalgie… de quoi inspirer certains moments… et ça reste inscrit à l’intérieur… ça reste…»

S.: «J’étais timide…»

Th.: «… ça reste inscrit… timide, dans son propre monde et insouciant… ça fait du bien se souvenir de l’insouciance…»

S.: «L’enfance «

Th.: «Puis l’adulte… garde inscrit en lui ce vécu de l’enfance… cette insouciance… et qui sait combien d’autres expériences spontanées d’enfant… tout est resté… se souvenir… cette capacité de se surprendre… de se distraire…»

S.: «Oui…»

Th.: «… et ça reste en nous au point que l’adulte que voici, il peut en parler… tout en laissant son corps se détendre… et naviguer dans ses souvenirs… quand tout était naturel… comme appeler pour faire venir maman… s’attarder à jouer avec le chat… se détendre dans ce fauteuil… ou même laisser les yeux se fermer pour mieux entrer dans ces souvenirs d’enfant…»

Entre temps, j’ai ratifié le fait qu’il avait fermé les yeux et que, spontanément, il avait été capable de se détendre et de ne plus penser à son entourage.

Th.: «Si vous le voulez bien, ces yeux peuvent rester fermés, insouciants des bruits des autres enfants et laisser remonter ces moments d’enfance… d’insouciance… de spontanéité… simplement les accueillir comme un patrimoine inscrit en vous… comme ces compétences qu’on garde pour toujours… comme l’apprentissage du vélo… et ça reste… même longtemps plus tard… c’est formidable ce qu’on sait faire sans s’en rappeler… Ça va?»

S.: «Oui.»

Th.: «Voulez-vous poursuivre l’expérience?»

S.: «Je me souviens, dans le jardin de mon oncle…»

Puis il évoque que, dans le jardin de son oncle, il n’y avait aucune timidité, il jouait avec son vélo et avait des cachettes imaginaires et secrètes. Il y vivait spontanément et sans s’inquiéter de rien.

Deux séances plus tard, au moment de préparer la rencontre à trois, avec le thérapeute qui me l’a envoyé, il me dit qu’il perçoit toujours avec inquiétude le regard des autres. Il a encore tendance à se demander si les gens sont en train de le juger. Il poursuit en disant qu’il y a pourtant quelque chose qui a changé, mais il ne sait ni de quoi il s’agit ni comment ça se fait. 

D’habitude, pour éviter le jugement qu’il craint, il se conforme à ce qu’il pense que les autres attendent de lui. Maintenant, il arrive à reconnaître la présence de ces pensées, mais sans percevoir cette pression. Il perçoit mieux ce qu’il souhaite faire et il lui arrive de le dire aux autres. A d’autres moments, il garde ses pensées pour lui et agit comme bon lui semble. Depuis, il a même réussi à prendre sa pause de midi dans le jardin de l’entreprise, allongé sur l’herbe et ça lui a fait du bien. Quelques semaines auparavant, cela lui aurait été absolument impossible.

Que s’est-il passé? Difficile à dire. Est-ce que le traitement par l’hypnose conversationnelle aurait ouvert la voie à la l’affirmation de soi grâce aux ressources évoquées de l’enfance? C’est une explication possible, mais pas nécessaire. Ce qui compte c’est que le Sujet ait trouvé sa voie pour gérer l’incongruence entre son comportement et son désir légitime.

10. Régression en âge

La régression en âge est un outil puissant de l’hypnose. C’est probablement la raison pour laquelle il y a une tendance à croire, qu’avec l’hypnose, on puisse tout savoir de sa propre histoire. Des séries de films contribuent à diffuser cette croyance. 

Il m’est arrivé trois ou quatre fois que des personnes me disent avoir été abusées sexuellement à l’âge de deux ans. Elles l’auraient appris par une régression en âge vécue avec des praticiens de relation d’aide ou des hypnotiseurs. J’accueille toujours l’information avec respect pour la personne qui me confie sa douleur et je travaille volontiers avec elle à sa restauration intérieure.

Cependant, je regrette vivement que des «soi-disant thérapeutes» s’engagent dans cette voie rendant le traitement nocif lui-même.

La régression en âge ne permet pas d’accéder avec assurance au vécu biographique d’une personne et encore moins à des histoires vécues dans des vies antérieures!

Ce que l’hypnose permet est une régression «virtuelle» dans laquelle les éléments qui remontent sont un mélange de vécu réel et émotionnel qui s’est consolidé tout au long de l’existence. C’est l’émotion de ces vécus qui est importante d’autant plus qu’elle est perçue au présent, dans l’ici et maintenant. L’histoire peut être douloureuse, mais elle ne peut être changée. Voici pourquoi il est important de s’occuper de la douleur encore présente. En effet, dans ces régressions en âge, les vécus émotionnels peuvent être soutenus et une éventuelle expérience réparatrice est bienvenue.

Dans ce sens, pendant la régression en âge, il est possible de demander à la personne si elle a besoin que quelqu’un entre dans son souvenir pour l’accompagner et la soutenir ou même pour corriger l’expérience.

Avec des croyants, il m’est déjà arrivé de leur demander: «Si le Christ avait été physiquement présent que se serait-il passé?  et si aujourd’hui on l’invitait à entrer dans la scène qui revient à la mémoire?… comment réagit-il?… que vous dit-il?… comment vous protège-t-il?… et s’il venait ici dans la pièce…. que vous apporte-t-il en ce moment?…».

La limite de l’historicité est dictée par la volatilité et l’altération qui sont propres à la mémoire. A ce sujet, j’invite le lecteur à lire le chapitre 13 de Soigner par l’hypnose, dans lequel le Dr Eric Bonvin consacre 40 pages à ce thème.

Une fois les limites de l’hypnose quant à sa capacité d’identifier la vérité historique posées, il devient possible de profiter de la régression en âge pour des raisons plus psychologiques.

11. Progression en âge

De même que la régression ne donne pas accès aux faits précis, la progression en âge ne permet pas non plus de prévoir l’histoire. 

Ceci dit, la progression en âge est un instrument assez répandu et il est utilisé dans différentes formes de thérapies, même non hypnotiques.

Dans le cas d’une personne phobique par exemple, on peut imaginer poser la question: «Comment sera votre vie quand vous aurez surmonté la peur de l’avion?» ou «A quels signes pourra-t-on reconnaître que vous progressez?»

La personne peut alors décrire et même se voir virtuellement fonctionner avec cette nouvelle liberté. Puisque les images mentales utilisent les mêmes circuits neuronaux que les vécus réels, la personne qui se projette en avant dans sa vie en vit déjà les bénéfices au présent.

Il y a quelques temps, un thérapeute m’a adressé un reporter de politique internationale qui, pour exercer son métier, devait voyager fréquemment en avion. Depuis une certaine période, il refusait ses mandats parce que son aérodromophobie était devenue insoutenable. 

La thérapie a été brève, ce n’est pas toujours le cas!

La première séance a été consacrée à l’anamnèse actuelle et à l’origine de sa difficulté. Ni lui ni moi n’avons trouvé d’explication pour l’émergence de cette phobie. Il m’a parlé d’un voyage en avion qu’il avait vécu dans l’enfance avec ses parents. Je lui ai demandé s’il avait une photo de cet épisode et je lui ai proposé de l’amener à la prochaine séance. 

A la consultation suivante, nous regardons la photo et la séance se poursuit par une hypnose conversationnelle qui prend rapidement la forme d’une régression en âge. La personne se rappelle de la couleur de la valise, de l’emplacement où ils la déposent, des marches d’escaliers parcourues pour accéder au tarmac, de l’escalier métallique devant l’avion. 

Puis, absence de souvenir à l’intérieur de l’avion mise à part l’histoire que sa maman lui a lue dans un livre d’images.

Les souvenirs reviennent au bord de la piscine avec un enfant rencontré sur place, la couleur étrange du maillot de bain, le plaisir de la découverte et plein d’autres choses du genre. Je l’invite à ralentir le compte rendu pour explorer l’ensemble du VAKOG pour la plupart des situations qu’il évoque. Lors de la séance suivante nous accédons à une nouvelle régression en âge et je lui demande ce que cet enfant aurait voulu faire dans l’avion. Nous poursuivons l’exploration imaginaire et nous allons selon son désir dans le cockpit à côté du commandant. Nous évoquons les explications du capitaine, les vides d’air, la portance des ailes, le plaisir de voir le monde d’en haut, ainsi de suite.

La séance suivante a dû être annulée, car il a reçu un mandat auquel il ne pouvait pas renoncer.

Il avait demandé des médicaments à son médecin pour rendre le voyage possible.

A la séance d’après, il me parle de sa dernière expérience de vol. Nous décidons de vivre une progression en âge. Comment se passera son premier voyage une fois sa phobie surmontée?

Nous y accédons par de l’hypnose conversationnelle, puis Monsieur décide de m’inviter dans son prochain voyage, alors qu’il n’a plus de phobie. Il m’explique en détails ce qui se passe. Je le ralentis en lui demandant de me montrer précisément ce qu’il est en train de vivre au sujet des couleurs, des formes, des odeurs, des bruits et ainsi de suite.

Peu après, il n’a plus eu besoin de consulter. Sa phobie s’était résorbée suffisamment et il a pu reprendre son travail. Il avait sur lui un anxiolytique que son médecin lui avait prescrit, mais il n’a pas eu besoin de le prendre.

12. Ponts d’affects

La technique des ponts d’affects, est l’une des pratiques hypnotiques qui trouve sa place dans divers courants psychothérapeutiques. 

Une des manières de procéder pourrait être la suivante:

une personne évoque un problème qui la fait souffrir.

Le thérapeute lui laisse le temps de raconter l’histoire, puis lui demande: «Comment vous sentez-vous maintenant que vous me racontez ce problème?»

Le Sujet est invité à devenir conscient non seulement de l’histoire qu’il connaît bien, mais aussi de ce que son corps ressent pendant qu’il en parle.

On prend le temps pour accueillir toutes les sensations, puis on lui demande s’il a déjà vécu, à un autre moment de son histoire, des sensations semblables.

On prend un moment pour explorer le nouvel élément qui a émergé, puis à partir des sensations présentes, on poursuit la régression en âge vers d’autres situations du passé.

Selon les situations, il est possible de proposer avec ou sans le thérapeute des interventions émotionnellement correctrices sur le souvenir qui émerge.

Cette forme de thérapie est utilisée aussi par des approches cognitives comme par exemple dans la thérapie des schémas de Young, une méthode thérapeutique qui donne d’excellents résultats avec des personnes souffrant de troubles de la personnalité.

13. Dissociation 

La dissociation est un état de conscience qui permet de mettre de la distance entre une réalité concrète et une réalité vécue ou perçue.

On peut dire qu’il y a de la dissociation quand une personne est absorbée par un film au point de ne plus sentir qu’elle a froid. 

La dissociation peut être issue d’un traumatisme. 

Des personnes qui ont traversé des douleurs terribles racontent comment, à un moment donné, elles ont eu l’impression d’observer leur corps comme s’il n’était plus le leur. Ces expériences se retrouvent dans les vécus de personnes qui ont subi des abus sexuels ou physiques. Peter Levine et Stephen Porges l’expliquent d’une manière très intéressante par la théorie polyvagale.

La dissociation dont on parle en hypnose n’est pas celle du traumatisme, mais l’expérience parfois originale de pouvoir mettre à distance une émotion d’une expérience physique. Par exemple, une personne qui doit subir un soin sur une plaie et qui a déjà une forte peur d’une douleur qu’elle connait pour l’avoir déjà expérimentée, peut s’imaginer aller dans son salon et écouter un morceau de musique qu’elle aime ou regarder un film particulièrement prenant. Ce processus imaginatif peut créer une forme de dissociation sensorielle entre le corporel qui est soigné et l’émotionnel qui profite d’un concert ou d’un film.

L’hypnose n’invente rien, cette capacité de dissociation est naturellement disponible à l’homme en cas de traumatismes. L’usage qui en est fait en hypnose permet de soulager une souffrance et d’accroître les ressources pour faire face aux défis actuels.

Certaines sensations typiques de l’hypnose produisent des dissociations surprenantes qui ont comme mission principale d’aider le Sujet à faire confiance à ses ressources inconscientes. 

La dissociation est accrue techniquement par le langage hypnotique en ce qu’on peut s’adresser à une partie du corps comme si elle avait une volonté propre. Comme par exemple de dire: «Quand ces yeux voudront se fermer, ils le feront simplement… ». 

Dans ce cas, c’est un artifice langagier qui favorise la dissociation en attribuant à une partie de soi une volonté inconsciente et indépendante de la volonté du Sujet. 

14. Hypnose humaniste sans dissociation

Depuis un peu plus d’une vingtaine d’année, des formateurs français ont créé une école d’hypnose qu’ils nomment humaniste. Ils prétendent que ni la dissociation ni une restriction de la conscience sont indispensables à la pratique de l’hypnose et je suppose, fort probablement, que cela soit vrai. 

Ils enseignent une manière de vivre l’hypnose avec une sorte de conscience augmentée. Une hypnose dans laquelle on ne limite pas la conscience, mais on lui permet de s’accroître en profitant de tous les canaux du VAKOG et de la spiritualité.

Je trouve la démarche intéressante et les réponses des Sujets sont positives.

Il n’y a pas besoin d’être somnolant, mais juste bien présent à soi et à l’ensemble de ses sensations et de ses émotions.

S’inspirant plus de Jung que de Freud, cette forme d’hypnose intègre aussi les aspects spirituels des Sujets.

15. Quelques procédures d’auto hypnose

Il arrive parfois que, pour accentuer l’expérience du travail de l’hypnose en séance, le Sujet demande des outils pour une pratique personnelle. Certains thérapeutes enregistrent des bouts de séance spécifiquement dans cet objectif.

Pour ma part, j’encourage les Sujets à retourner dans leur lieu de sécurité qu’ils ont construit en séance. Ceux pour qui la foi est un élément important de leur vie, je les encourage à inviter Dieu dans ce lieu pour parler «cœur à cœur» avec Lui selon les paroles du Christ dans Matthieu 6.6: «Mais toi, quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.»

J’estime que la construction de ce lieu de sécurité correspond bien à la personne, car c’est elle-même qui l’a trouvé.

D’autre part, le plus souvent, les personnes se sont procuré des livres ou des enregistrements sur Internet et trouvent un vaste choix de techniques d’auto hypnose.

16. Signes visibles de l’hypnose

Pour conclure cette section, voici quelques signes qui permettent de constater la présence de l’hypnose.

Comme nous avons eu l’occasion de le dire, celui qui suit une séance d’hypnose suppose se trouver dans un état second et totalement soumis à l’hypnotiseur. En réalité, aucune de ses deux conditions n’est la preuve qu’une hypnose soit en cours.

Une bonne partie des signes de l’hypnose ne sont pas perceptibles par une personne non initiée.

Il existe quand même quelques indices observables de l’hypnose.

  • Les yeux ont tendance à modifier leur activité. Soit ils tendent à se fermer soit le réflexe du clignement est modifié. Il peut se présenter avec un ralentissement ou une accélération. Parfois, on observe un clignement ou un tremblement des paupières.

  • On observe des mouvements involontaires et saccadés qui peuvent se présenter comme de petits sursauts très localisés, des petits spasmes ou des lévitations spontanées des mains.

  • Le réflexe de déglutition est inhibé.

  • Modification du rythme cardiaque avec probable changement de la coloration de la peau. Présence d’une sensation de chaleur due à la vasodilatation ou de froid due à la vasoconstriction.

  • Changement du rythme respiratoire. Il peut s’accélérer ou ralentir.

  • Sensations de pesanteur, de légèreté ou figement en cas de catalepsie.

  • Ralentissement du débit et du volume de la parole.

  • Distorsion de la perception du temps. Parfois, quelques minutes sont vécues comme très longues et toute une séance peut paraître d’une durée de quelques minutes.

  • Evocation de scènes du passé, réelles ou imaginées comme dans une rêverie diurne.

  • Emergence facilitée d’émotions connues ou enfouies.

  • Capacité de s’auto-observer comme par hallucination.

  • Modifications de la mémoire sous forme d’amnésie ou d’hypermnésie momentanées ou même avec l’impression de «déjà vu».

  • Relâchement de la logique standard et accentuation d’une logique analogique où une chose et son contraire peuvent coexister.

 

Chapitre 7:
Trois questions fréquentes

Le but de ce petit ouvrage était de me servir de support de cours pour la journée de formation sur l’hypnose que l’ACC de Suisse romande m’a demandé d’assumer.

De ce fait, l’ensemble des textes a eu comme vision de présenter l’hypnose médicale le plus objectivement possible et, en même temps, de montrer en quoi elle s’accorde ou se distancie de la foi vivante que je rencontre chez de nombreux Sujets.

Le monde chrétien n’est pas homogène et, même si pour l’essentiel il y a une certaine unité, la diversité est la norme.

Dans ce contexte, il me paraît difficile de répondre de telle sorte que mes propos soient acceptables par tous les chrétiens. C’est mission impossible!

Je me suis déjà donné la peine, dans cet exposé, de répondre aux questions qui me sont parvenues le plus souvent.

Dans mes propos, il n’y a pas la prétention d’exprimer des vérités absolues. J’ai juste le souhait d’exprimer un point de vue qui, j’espère, soit éclairé par ma double casquette d’ancien pasteur évangélique et de thérapeute. Je me sens accrédité à parler comme le chrétien que je suis et en qualité de psychothérapeute également par ma formation dans les filières officielles et donc reconnue au niveau fédéral.

Cette double casquette me donne le confort de déjouer le risque d’être emprisonné dans le parti pris d’un camp contre un autre et me met à l’aise pour parler de ce que je comprends puisque, théoriquement, je devrais être à l’aise tant dans le monde évangélique que dans celui de ma pratique de la psychothérapie.

Quelques remarques cependant:

Ci-après, je proposerai des réponses brèves au risque de paraître simpliste. Je propose par contre, à qui le souhaite, de relire dans les pages qui précèdent d’autres éléments de réponse plus complets.

Je me permettrai aussi de répondre personnellement à qui me fera parvenir ses demandes par e-mail à l’adresse suivante giovanni@centre-psy.ch.

Mon intention n’est pas de lancer une polémique ni de convaincre des personnes de s’aligner sur mes convictions personnelles.

Je me réserve le droit de publier, dans une nouvelle version de ce livret, les questions qui m’auront été adressées ainsi que mes réponses.

Question N° 1:
L’hypnose est-elle assimilable à de l’occultisme?

Non. L’occultisme a une matrice spirituelle qui, par définition, est occulte c’est-à-dire cachée.

L’hypnose s’appuie sur des réactions humaines ordinaires. Les manifestations visibles de l’hypnose peuvent paraître aux non-initiés comme étranges, mais elles ont une explication physique et psychique observable.

Des études sur le système nerveux et les progrès de l’imagerie cérébrale montrent bien qu’on est en présence de phénomènes de nature humaine et non spirituelle.

La spiritualité d’un croyant qui recourt à l’hypnose thérapeutique ne subit aucune modification et peut même continuer de s’affirmer.

Question N° 2:
Une personne sous hypnose, perd-elle son libre arbitre et devient-elle comme une marionnette dans les mains de l’hypnotiseur?

Non, en aucun cas. Une personne sous hypnose ne peut pas aller contre son propre choix ni contre son éthique. La personne s’y opposerait immédiatement.

Ce qui est modifié, c’est la perception du temps et d’autres aspects secondaires. La personne sous hypnose accroît sa capacité à se connecter à ses propres croyances et à ses propres ressources inconscientes.

Pour un chrétien, je dirais que le St-Esprit étant le meilleur allié des ressources inconscientes de la personne, l’hypnose rend le croyant plus disponible à s’allier avec Dieu. De plus, l’hypnose ne s’oppose pas à la prière et le lieu de sécurité en est une bonne opportunité.

Question N° 3:
Des personnes qui ont eu recours à l’hypnose disent avoir rencontré des difficultés d’ordre spirituel. Ils en ont été libérés suite à l’aide de personnes ayant un ministère de délivrance. Est-ce possible?

Non . L’hypnose médicale n’engendre pas ce type de problèmes. 

J’ai pratiqué moi-même un ministère de délivrance pendant 22 ans, lorsque j’étais pasteur dans le cadre de l’Armée du Salut dans le Jura bernois.

J’ai rencontré des gens qui disaient avoir un ministère de délivrance et qui proclamaient avoir libéré des personnes de toutes sortes de liens spirituels. Certains allaient jusqu’à attribuer un esprit au tabac, «esprit de cigarette», et pleins de choses dans ce genre. 

C’est dommage!

Il arrive que des personnes respectables, par excès de zèle, attribuent une dimension spirituelle à ce qui n’en a pas. C’est regrettable, mais ça existe. 

Parfois, une personne peut être rassurée par une déclaration erronée prononcée sur le mode d’une «parole de vérité».

Lors d’un stage dans la clinique psychiatrique de Bellelay, j’ai malheureusement appris que certains psychiatres et infirmiers en psychiatrie, selon le principe de précaution, interdisaient à quelques pasteurs évangélistes l’accès auprès des patients hospitalisés.

 

Chapitre 8:
Exemples cliniques

Ci-après, le lecteur trouvera une présentation succincte de quelques vignettes cliniques issues de ma pratique. J’ai pris la liberté de changer quelques éléments biographiques qui, sans avoir d’incidence sur la compréhension de la situation, sauvegardent la sphère privée des Sujets.

Avec l’autorisation des personnes concernées, une bonne partie de ces entretiens avait été enregistrée et discutée avec mes superviseurs. Je m’étais engagé à les effacer après usage et cela a été fait quand j’ai obtenu mon titre de psychothérapeute reconnu au niveau fédéral.

La présentation de ces vignettes n’est donc pas une transcription verbatim des séances. Il s’agit de résumés de consultations rédigés à partir de quelques-unes de mes notes personnelles et des traces que ces situations ont laissées dans ma mémoire. Leur fidélité est certainement approximative, mais ils ont l’avantage de montrer le style d’hypnose qu’il m’arrive de pratiquer. 

Cas: «L’aiguille ou la vie»

Il s’agit d’un jeune homme qui souffre de trypanophobie. Sa peur des traitements médicaux qui impliquent l’usage d’aiguilles est tellement aiguë qu’il perd tous ses moyens de gérer son impulsivité. La vue d’un opérateur sanitaire avec une seringue à la main peut provoquer chez ce jeune homme des réactions impulsives avec le déploiement d’une force impressionnante. Il dit que dans ces situations, ses bras partent «tous seuls» et frappent violemment sans qu’il ne le veuille.

Monsieur souffre de drépanocytose et l’état de sa santé s’est particulièrement détérioré au point de nécessiter une intervention chirurgicale.

Il doit faire des tests sanguins avant l’hospitalisation, mais sa phobie des aiguilles l’en empêche.

C’est dans ce contexte qu’il vient pour tenter l’expérience de l’hypnose.

Dès le premier entretien, il me semble évident qu’il me sera impossible de pratiquer une induction. Dès qu’il a l’impression qu’on s’approche de l’hypnose, il éclate en un fou-rire face auquel j’ai de la peine à garder mon sang-froid. 

Il ne me reste qu’à tenter l’hypnose conversationnelle.

J’ai l’intuition que les réactions impulsives qu’il relate pourraient être liées à des événements traumatiques antérieurs. Dès lors, grâce à l’hypnose conversationnelle, nous procédons de manière assez informelle à des régressions en âge par ponts d’affect.

Ça a l’air de fonctionner!

Des épisodes d’enfance qu’il raconte avec force détails lui remontent à la mémoire.

Il accède progressivement à une colère intense qui s’est incrustée en lui et qui se réactive à la vue d’une personne en blouse blanche qui tient une aiguille à la main.

Voici l’histoire qui émerge lors de l’une de ces régressions en âge:

«Je suis petit, je crois que je ne vais pas encore à l’école. Ma maladie me cause beaucoup de difficultés et je suis hospitalisé. Ma mère me dit des choses. Je vais recevoir une intervention chirurgicale. Un médecin va m’enlever ma maladie. 

Je suis tout excité, je suis content.

Ma famille m’offre des cadeaux, c’est vraiment bien d’être à l’hôpital. Tous me disent que j’ai du courage. Je suis content. 

Je vois que les gens sont tous habillés de la même manière, comme des fantômes. C’est comme un jeu, ils vont enlever mon mal. 

Ils me disent qu’ils vont me piquer. J’ai peur, les fantômes, la piqûre. 

Un grand personnage dit que je vais m’endormir et il veut couper mon mal. Il veut le jeter loin. 

Il me dit: «Bravo, à ton réveil tout sera fini, le mal sera jeté loin».

Je ne sais plus rien, je ne vois rien. C’est froid, c’est chaud. Je suis dans mon lit. Les fantômes sont partis. Maman est juste à côté.

J’ai mal, je suis attaché, j’ai mal. Les fantômes m’ont menti. J’ai mal, j’ai mal.»

Lors des deux ou trois séances suivantes nous n’avons pas fait d’hypnose. Nous nous sommes attardés sur son vécu. Il a identifié de la colère parce que ni la famille ni le personnel soignant ne lui avait dit qu’il aurait mal après l’opération. Il me montre l’énorme cicatrice qui témoigne de l’impressionnante intervention qu’il a subie. Puis, il m’explique que même sous la douche il fait attention que l’eau ne coule pas directement sur cette cicatrice, car ça réveille des peurs et une forte colère. 

La phrase qui revient c’est: «Ils m’ont menti, ils m’ont tous menti.»

Quatre ou cinq séances après celle-ci, nous faisons à nouveau quelques séances d’hypnose conversationnelle pour introduire des régressions en âge.

Dans l’une de ces séances je lui ai demandé:

«Arrivez-vous à vous imaginer que vous, l’adulte que vous êtes… rencontre ce petit en colère… Il a été trompé… ils lui ont menti… ils lui ont tous menti… Pouvez-vous imaginer que vous… avec votre expérience de vie… vous approchez de lui?… Prenez le temps avant de répondre…»

Il me dit «oui» d’un signe de tête.

«… Maintenant que vous l’imaginez… vous pouvez lui dire la vérité…» 

Il fait à nouveau un signe de tête affirmatif.

«… je reste en silence… vous pouvez lui parler… la vérité… le rassurer par la vérité… C’est ok pour vous que je reste en silence?… et vous pouvez parler secrètement à son cœur…»

Il montre à nouveau son accord. Je reste en silence environ trois minutes. Puis, nous concluons la séance.

Une semaine plus tard, il m’informe qu’il a appelé le CHUV et qu’il a un rdv pour se faire opérer. 

Maintenant, l’attend une phase difficile, il doit se faire piquer pour un examen de sang. Il me demande de l’accompagner pour cette épreuve. Nous devons nous y prendre à deux fois. La crainte est encore forte, mais la présence du thérapeute le rassure.

Pour la prise de sang suivante, il m’informe qu’il souhaite y aller tout seul. Il sent que «son petit» sait désormais qu’on ne lui mentira plus.

Aujourd’hui, il se souvient de sa trypanophobie. Il n’aime toujours pas les aiguilles, mais ses comportements violents et impulsifs à la vue d’une aiguille ont disparus. Il est en mesure de passer ses examens sans que personne ne l’accompagne.

Cas: «Stop tabac»

Il s’agit d’un homme dans la cinquantaine. Nous avons entamé un traitement de longue durée suite à une décompensation par stress au travail.

Monsieur apprend que je pratique l’hypnose et il a entendu que c’était efficace pour arrêter de fumer.

Nous avons convenu que nous travaillerions ce thème quand il sentirait que c’était le moment. 

Je lui dis que, pour préparer la séance d’hypnose, il pourrait être utile qu’il me raconte l’histoire de son addiction et les motivations qui l’ont amené à fumer.

Voici les informations que j’en retire:

Il a commencé à fumer dans l’adolescence pour se montrer adulte comme les autres.

La première bouffée qu’il a aspirée a failli l’étouffer, mais il a persévéré pour s’y habituer.

D’abord, il fumait peu et uniquement avec les autres et, maintenant, il fume tout le temps et peut consommer jusqu’à 60 cigarettes par jour.

Depuis sa crise au travail, il a perdu son emploi et il a un budget restreint. S’il arrivait à arrêter de fumer, il pourrait se payer des vacances et un nouveau fauteuil au salon.

Nous convenons que le jour où il se sentirait prêt à arrêter sa consommation de tabac, s’il le souhaitait, il pourrait venir avec sa dernière cigarette au cabinet et nous ferions une séance d’hypnose.

Quelques semaines plus tard, dès qu’il est arrivé, il m’a tendu une cigarette et m’a dit qu’il était prêt.

Nous plaçons la cigarette sur une chaise et nous commençons la séance par un bref temps de relaxation qui devient rapidement l’induction dans l’hypnose.

Je garde un ton ferme et une voix déterminée pendant toute la séance pour garder le Sujet tout le temps actif et bien conscient. Dans ce cadre, l’hypnose conversationnelle est tout-à-fait adaptée.

Nous naviguons dans le temps d’abord par une progression en âge. 

Je le laisse imaginer ce que sera sa vie dans un ou deux ans, quand le tabagisme sera un souvenir. Il arrive facilement à se projeter dans son nouveau fauteuil acheté avec les économies réalisées. Il a un album de photos. Il parle des vacances passées avec sa femme et son fils. Il me raconte sa fierté d’avoir assez d’argent pour acheter un collier à son épouse. Là, dans son fauteuil, il voit la table du salon, ça sent bon, le cendrier a disparu.

Puis, je passe à une régression en âge. Il se voit ado, fier d’avoir réussi à surmonter l’impression d’étouffer. Les autres le voient déjà grand. La cigarette lui est utile, lui montre qu’il est sûr de lui. 

Retour au présent. 

«Comment vous sentez-vous?… Comment se sentent ces poumons?… Et le bonheur de fumer?… De se sentir comme les autres…»

Je lui présente deux chaises. Je lui dis de s’imaginer que l’une est celle du jeune pré-ado non-fumeur et l’autre est celle du jeune et de l’adulte fumeurs.

Je lui demande de prendre le temps de s’asseoir virtuellement ou réellement sur la première chaise. 

Je lui explique que, s’il le veut bien, il peut laisser revivre dans sa mémoire les scènes de ce temps-là. Je reste en silence et j’attends. Il sourit, il paraît détendu.

Au bout d’un moment, je lui dis de garder bien dans son cœur ces vécus et, en même temps, très lentement, de se déplacer sur la chaise du fumeur. Là aussi, je l’invite à laisser son corps lui rappeler les débuts de sa merveilleuse histoire de fumeur, sa détermination malgré les étouffements, sa fierté d’être adulte comme les autres, etc… 

Je l’invite à accueillir les sensations du corps qui remontent, les mémoires qui se réveillent. 

Quelques minutes plus tard, il me paraît assez inconfortable sur sa chaise. Je l’invite à me dire, s’il le veut, ce qu’il est en train de ressentir.

Il me dit que ce n’est pas agréable.

Je lui propose de faire ce qui est bon pour lui et de se lever si c’est mieux pour lui. 

Il se tient debout entre les deux chaises.

Je lui propose de rester un moment entre les deux chaises, et de suivre, mais pas trop vite, l’indication de son être. Quelle est sa chaise? Où se sent-il attiré?

Il reste un peu en silence, puis se déplace d’une chaise à l’autre sans s’y asseoir.

Enfin, il dit qu’il a choisi: «c’est là ma place.» Il montre la chaise du non-fumeur.

Je lui propose de prendre la cigarette qui se trouve sur une autre chaise et de sortir du cabinet, car il n’est pas admis de fumer à l’intérieur.

Une fois dehors, nous poursuivons notre hypnose conversationnelle. Je lui dis de laisser son corps choisir ce qu’il veut faire de cette dernière cigarette. Il a tous les choix possibles. J’en énumère trois:

Il peut la fumer et aller au kiosque au coin de la rue acheter un paquet.

Il peut choisir de remettre son choix à plus tard et me laisser la cigarette en attendant.

Il peut la placer dans la poubelle.

Il attend un peu, puis il dit, «Je sais ce que je deviens. Je suis non-fumeur. J’ai été non-fumeur, c’est ce que je veux.»

Il a jeté sa cigarette après presque 40 ans de tabagisme et depuis, il a arrêté de fumer.

Cas: «Je dors et je m’envole»

Il s’agit d’une personne d’un âge avancé qui, dans le passé, a survécu à un cancer. Elle affirme que l’hypnose a été une grande ressource pour récupérer de sa longue maladie.

Actuellement, elle est affectée par des malformations au dos qui l’empêchent de dormir sur le dos, le ventre et sur son côté gauche. La personne souffre d’une grave apnée de sommeil. La condition de son système respiratoire ne lui permet pas de bénéficier d’un CPAP.

Cette personne devrait pouvoir dormir sur son côté droit, mais elle ne parvient pas à rester dans cette position toute la nuit. Dès qu’elle se retourne, elle se place sur le dos aggravant ainsi l’apnée obstructive.

Comme l’hypnose l’a aidée par le passé, elle souhaiterait se servir de l’auto hypnose. Elle souhaite dormir en gardant toute la nuit, ou le plus longtemps possible, la seule position qui diminue significativement ses apnées.

Nous avons eu trois entretiens. Dans la première partie du premier entretien, elle m’explique la situation. Elle comprend que je n’ai pas de solution fiable à lui proposer. En fin de séance, je propose une induction à partir de son lieu de sécurité.

Dans les jours qui ont suivi, j’ai lu la littérature dont je disposais, mais je n’ai rien trouvé à lui proposer. En tout cas, rien que la personne ne connaisse déjà, car elle était une utilisatrice avancée de l’hypnose.

Le soir avant notre deuxième séance, je prie Dieu de m’inspirer. Cette nuit-là, je me réveille avec le souvenir d’un rêve. J’avais vu quelque chose comme un matelas volant sur lequel la personne était couchée sur son côté droit. Ce matelas épousait parfaitement la forme de son corps et, dès qu’elle bougeait, il s’adaptait à son corps de telle manière qu’elle se retrouvait dans la même position. De là, elle survolait un grand chœur de chanteurs.

Le lendemain, j’ai dit à la personne que je n’avais rien de très concret à lui proposer. Je lui parle du rêve et je lui propose de tenter d’essayer son auto hypnose du soir sur le thème de ce rêve. Nous utilisons ce thème pour un moment d’hypnose à la fin de la séance.

Lors de la troisième consultation, la personne m’informe qu’elle s’est inspirée de mon rêve pour entrer en auto hypnose et que, depuis, son sommeil s’est amélioré et qu’elle est moins fatiguée le jour. Elle constate que, pendant son sommeil, son corps reste plus longtemps que par le passé dans la seule position qui réduit ses apnées.

Cas: «J’ai parlé à ma mère»

Il s’agit d’une dame dans la quarantaine d’origines asiatiques. Elle vient d’un pays où l’accès à la formation scolaire des fillettes est limité en raison des pressions des milieux conservateurs et des représailles par des extrémistes religieux.

Madame est enseignante primaire et elle a subi de terribles pressions qui ont été jusqu’à lui coûter la vie de sa propre fille. Des extrémistes sont venus à sa porte, ont séquestré sa fille et la lui ont rendue agonisante quelques heures plus tard. L’enfant est morte.

Le traumatisme était indescriptible.

Grâce à l’interprète, nous avons travaillé des mois durant à la réduction du traumatisme. Mon espoir était de contribuer à ce que la mémoire traumatique puisse se transformer progressivement en mémoire narrative. Pour ce travail, je m’appuyais sur les écrits de la Dresse Muriel Salmona et sur l’approche centrée sur la personne.

J’avais l’impression que nous avancions pas à pas. Lors d’une séance, Madame me prie de programmer une séance sans traduction. Le problème, c’est que je ne comprends pas sa langue et qu’elle ne parle pas le français. Elle me supplie de le faire, car elle a des choses à dire qu’elle ne peut pas exprimer en présence de la traductrice.

Nous décidons d’organiser une consultation dont l’audio sera enregistré et envoyé à un ami d’accord de me faire un compte-rendu succinct.

Comme nous ne nous comprenons pas, j’ai proposé que nous fassions une induction en passant par le lieu de sécurité et que, dans cet espace, Madame dise ce qui lui tenait à cœur.

Lors de la séance, il n’était pas nécessaire de dire grand chose. Madame est entrée dans son lieu de sécurité et a commencé à parler sans interruption pendant 45 minutes. J’étais à ses côtés sans rien comprendre de ce qui se passait, mais je pouvais en percevoir le climat affectif. Son regard était figé et orienté dans ma direction. De temps en temps, je l’arrêtais et l’invitais à reprendre son souffle. Je voulais qu’elle reste consciente qu’elle n’était pas seule. 

A la fin de la séance, Madame paraissait calme et rassurée. J’ai envoyé l’enregistrement de la séance à mon ami qui m’a fait parvenir son résumé.

Il était question d’une déclaration de toutes les horreurs que cette personne avait subies que Madame racontait à sa mère.

Lors de la consultation suivante, l’interprète était de nouveau présente. Sans entrer dans les détails, Madame tient à me remercier pour la séance précédente. Une fois dans son lieu sûr, elle s’est imaginée être en face de sa maman. Je n’étais plus son thérapeute, mais elle me voyait avec le visage de sa maman. Ceci lui a permis de dire des choses qu’une femme de sa culture ne peut pas dire devant un homme. A chaque fois que je l’ai interrompue pour l’aider à ralentir le débit des mots et pour l’aider à respirer, elle a senti que j’étais sa mère qui la consolait.

Par la suite, Madame a pu déposer l’amertume qu’elle avait secrètement en elle contre les hommes. Elle a pu retrouver l’intimité dans son couple qui a pu accueillir, avec bonheur, la naissance d’une enfant.

 

Chapitre 9:
Choisir son thérapeute

Tout ce qui précède nous montre, s’il était encore nécessaire, que l’hypnose est bel est bien un processus humain qui permet à notre dimension inconsciente et invisible de venir au secours des aspects pratiques de notre vie. 

Nos raisonnements conscients peuvent tantôt nous être d’un grand secours et, parfois, nous enfermer dans des schémas logiques ou dans des routines qui nous sabotent à répétition.

Parfois, le fait d’avoir connaissance de notre propre diagnostique psychiatrique ou de connaître l’origine de notre souffrance ne change en rien notre malheur. Tout au plus, cela nous donne une raison supplémentaire pour justifier valablement notre douleur.

L’hypnose est une thérapie comme une autre. Elle propose une voie alternative grâce à la mise en valeur des ressources inconscientes. Par elles, le Sujet travaille activement à la construction de son propre mieux-être. Il arrive que ce processus s’active efficacement et rapidement, dans d’autres cas, il est long et laborieux. 

N’en est-il pas ainsi dans la plupart des cures? 

Seulement, certains «illuminés» peuvent prétendre avoir la panaché et affirment répondre efficacement à tous les maux du monde. Ces personnes, même si ça ne fonctionne pas comme prévu, s’en sortent avec la parade que c’est le patient qui a manqué quelque chose ou, encore pire, que c’est le croyant qui a manqué de foi!

L’hypnose est une approche qui, comme toutes les autres formes de thérapie, peut être pratiquée par des croyants, des non-croyants, des religieux, des gourous, des personnes honnêtes ou des brigands: bref par toutes sortes de personnes. Il en va de même dans tous les autres métiers. Un maçon, un musicien, un ferblantier, tous peuvent être croyants ou sans confession et cela ne met pas en doute leurs compétences professionnelles. Cependant, rien n’empêche de privilégier un ami, un proche, un membre de la famille, une personne qui partage les mêmes valeurs pour lui attribuer un travail. 

J’encourage le lecteur à chercher des soins chez les thérapeutes qualifiés qui ont des pratiques avec lesquelles il se sente à l’aise.
Je l’encourage à rester vigilant afin d’agir selon son cœur, en cohérence avec ses convictions.
— Giovanni Catalanotto
 

Remerciements

J’exprime toute ma reconnaissance aux membres de ma famille qui m’ont soutenu pendant mes temps d’étude et de préparation de ce livret qui fut le support de cours pour la journée de formation de l’ACC en novembre 2019. 

Un grand merci à mon épouse qui a patiemment supporté que je consacre mes vacances à ce projet.

Un grand merci à mes amis de l’Armée du Salut qui m’ont fait confiance malgré toutes les suspicions dont l’hypnose souffre dans les milieux évangéliques.

Un vif remerciement à Joëlle, ma belle-fille, pour les remarques de rédaction.

Merci aussi à mon fils Daniele de m’avoir encouragé à écrire. Son expérience d’écrivain a été pour moi une source d’inspiration. C’est aussi lui qui a soigné le graphisme ainsi que l’édition papier et électronique de cet ouvrage.

Un merci particulier également à Loris Olivier pour l’élégant graphisme de la couverture.

Un grand merci à mes Patients qui sont pour moi des vrais Sujets et mes meilleurs enseignants.

 

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